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5ème séance du séminaire du LAIOS : intervention de Sabrina Melenotte , LAIOS, intitulée « L’« autre monde possible » : de l’altérité politique au discours de l’alternative politique dans la globalisation »

par Lydie Pavili - publié le

Séminaire coordonné par :

Sarah Carton de Grammont (ATER à l’EHESS), Riccardo Ciavolella (chargé de recherche au CNRS), Birgit Müller (chargée de recherche au CNRS)

Présentation générale du séminaire du LAIOS : L’art de se gouverner. L’anthropologie politique des alternatives et interstices – année 2015

Dans un contexte de globalisation technologique et capitaliste émergent des discours et expériences politiques proposant ou construisant des formes de vie collective. Formes fondées, dans l’organisation des relations sociales, sur l’égalité plutôt que sur la hiérarchie ; dans l’organisation économique, sur la coopération plutôt que l’exploitation ; et dans l’organisation politique – sur des espaces organisés composés de sujets politiquement conscients et critiques par rapport aux structures de domination, capables de mettre en cause le fonctionnement des structures étatiques et leur appropriation. Une partie de ces projets politiques est d’ailleurs portée par – ou s’inspire de – certains anthropologues d’orientation libertaire (Scott, Graeber), ce qui pose la question de la fonction critique de la discipline. Se pose conjointement la question de la politique, au sens propre ou premier, de nos politiques d’enquête : quels effets sur le monde auront nos recherches, que cherchons-nous à faire à travers ce que nous cherchons, qu’espérons-nous de nos recherches ?

Le séminaire du LAIOS interrogera cette année les formes de vie et d’organisation qui se veulent des alternatives radicales au système de pouvoir dominant, ou qui émergent en son sein – de l’intérieur – dans les interstices de contestation, de contre-conduite et de contournement. Nous analyserons aussi bien des formes d’organisation antiautoritaires et libertaires basées sur la participation directe plutôt que sur la délégation de pouvoir, que des structures politiques créées consciemment pour institutionnaliser un espace propre permettant l’intervention stratégique dans le jeu de pouvoir dominant. Nous explorerons également les formes d’organisation économique alternatives et coopératives, les monnaies alternatives et les réseaux de consommateurs. Nous porterons une attention particulière au rapport de ces tentatives de transformation alternative et interstitielle à l’État et aux nouvelles structures d’autorité privée globalisées.

3e jeudi du mois de 15 h à 17 h (salle 1, RdC, bât. Le France, 190-198 av de France 75013 Paris), du 15 janvier 2015 au 21 mai 2015. La séance du 15 janvier se déroulera en salle 015 (RdC, noyau B, bât. Le France).

Séance 5 : 21 mai 2015 : Sabrina Melenotte , LAIOS, intitulée « L’« autre monde possible » : de l’altérité politique au discours de l’alternative politique dans la globalisation »

Cette présentation se concentrera sur la polysémie du terme
d’autonomie politique à partir de la résistance zapatiste au Mexique.
D’une part, avec le tournant multiculturel des années 1990, le débat
sur l’autonomie indienne a renégocié les termes de l’"altérité intime"
en repositionnant la place des indiens au sein de la nation mexicaine.
D’autre part, il n’est pas aujourd’hui un écrit de philosophie
politique "de gauche" qui ne cite ou ne s’inspire du zapatisme comme
référence incontournable de l’alternative politique antilibérale à
l’heure de la globalisation. Depuis une vingtaine d’années, des
formules comme "changer le monde sans prendre le pouvoir" ou "un autre monde est possible" ont traduit l’influence réciproque entre ce
mouvement social radical et des intellectuels oscillant entre une
mouvance post-marxiste et une pensée anarchiste, ainsi que leur
volonté conjointe de construire de nouveaux espaces politiques hors
des institutions et des partis politiques. Le zapatisme comme courant
de pensée interroge la production académique de philosophes politiques
qui ont opéré un glissement d’un discours de l’altérité politique à un
discours de l’alternative politique. Ce passage est d’autant plus net
qu’à vingt et un ans du soulèvement zapatiste, l’essor de travaux
d’obédience anarchiste et libertaire sur l’autonomie politique
contraste avec l’aporie de travaux ethnographiques portant sur la vie
quotidienne des indiens zapatistes. Il faudra donc revisiter les
travaux portant sur le zapatisme, interroger la prédominance de la
philosophie politique contemporaine sur la discipline anthropologique
et réfléchir au lieu de l’alternative politique - notamment à partir
des travaux d’anthropologie politique sur les interstices -, pour
saisir les accointances et les limites entre la pensée anarchiste et
libertaire et ce mouvement social et politique refusant la prise du
pouvoir d’État.

Séance 4 : 7 mai 2015 : Yves Cohen, CRH-EHESS, intitulée « De la « nécessité des chefs » à la foule sans maître : d’un siècle l’autre »

Le XXe siècle (de la fin du XIXe aux années 1970) a été, dans de nombreux pays, celui de l’expression par les élites de la nécessité d’avoir plus de chefs à tous les niveaux. Ce sont tout aussi bien les élites du pouvoir que celles de la protestation qui disaient aux « foules » et aux « masses » qu’elles avaient besoin de maîtres. De plus en plus de mouvements sociaux se réclament aujourd’hui d’une « leaderlessness », les entreprises refondent les hiérarchies, nombre d’instances supranationales sont acéphales. Est-on vraiment passé dans un nouveau siècle ? Cette séance interrogera tout aussi bien l’histoire que les phénomènes les plus contemporains comme les mobilisations récentes et leurs conséquences en Ukraine.

Séance 3 : 19 mars 2015 : Hadrien Saiag, CNRS, CRH-EHESS, intitulée « Des alternatives monétaires : Eléments de réflexion à partir du cas du trueque argentin »

Cette intervention aborde la question des alternatives en matière monétaire à partir de l’étude d’un ensemble de systèmes monétaires dénommés trueque (littéralement « troc »), en Argentine. Ce terme désigne une multitude d’expériences d’émission de monnaies papiers libellées dans une unité de compte propre (le « crédito »), qui circulent à l’échelle d’agglomérations urbaines et drainent une part importante de l’économie des biens de seconde main. Afin d’en rendre compte, je me baserai sur une reconstitution de l’histoire du trueque de 1995 à 2002, puis sur une ethnographie des pratiques monétaires menée auprès de deux systèmes monétaires intégrant le trueque, situés dans la périphérie de l’agglomération de Rosario (ci-après « Rosario » et « Poriajhu »). L’alternative en matière monétaire est examinée sous deux angles :
1) Le premier souligne la diversité des institutions, des instruments et des pratiques monétaires observées au sein du trueque. Prendre au sérieux cette pluralité permet de rendre compte des dimensions politiques de la monnaie, à deux égards : d’abord, car les rapports de pouvoir entre émetteurs et utilisateurs de ces monnaies varient grandement d’un système monétaire à l’autre ; ensuite car la pluralité monétaire interne au trueque renvoie à diverses modalités de constitution de micro-communautés politiques.
2) L’alternative est également pensée en référence au concept de monnaie. La monnaie est généralement présentée comme un instrument neutre au service des échanges. Au contraire, l’étude des pratiques monétaires propres au trueque incite à appréhender la monnaie, en tant que concept abstrait, comme un système d’évaluation et de règlement des dettes, ce qui permet de considérer les rapports monétaires comme étant tantôt vecteurs de stratification sociale (Rosario), tantôt vecteurs d’émancipation collective (Poriajhu).

Séance 2 : 12 février 2015 : Mathieu Hilgers, Université Libre de Bruxelles, intitulée « Ethnographie des multinationales dans les pays du Sud : étude de cas, enjeux éthiques, méthodologiques et théoriques »

Cette communication présente les résultats d’une enquête de terrain réalisée sur le site d’une multinationale spécialisée dans l’extraction aurifère au Ghana. Dans un premier temps, le propos revient sur la littérature anthropologique récente consacrée aux multinationales dans les pays du Sud et suggère d’articuler une démarche visant à saisir à la fois l’impact de ces entreprises et leur fonctionnement interne. Pour ce faire, la deuxième partie de l’exposé se consacre à l’analyse des justifications de leurs activités par les employés expatriés et détaille les politiques de gestion des ressources humaines de l’entreprise. Cette étude de cas ethnographique ouvre un débat sur une série d’enjeux éthiques, méthodologiques et théoriques auxquels se confrontent les anthropologues lorsqu’ils cherchent à étudier les multinationales ».

Mathieu Hilgers interviendra également le 13 février à l’Université Paris 7 dans le cadre du programme « droit à la ville au Sud » : « réflexions sur les formes de dépossession et de contestation dans les petites villes africaines », Salle 870, Bâtiment Olympe de Gouge, Paris 7 Diderot, de 10h30 à 12h30.

Séance 1 : 15 janvier 2015 : James Scott, Université de Yale : « Autonomy, Vernaculars and the Invisible Committee

Résumé de la présentation (ENG)

Most of our institutions are designed with discipline and efficiency in mind. I wish to make the case for the historical importance—especially in democracies—of extra-institutional (aka unorganized) disruption and defection. The maximization of efficiency and discipline amounts to the minimization of autonomy and creativity : a result that impoverishes us all. How might we design institutions with the goal of maximizing autonomy ? I provide a small example of “retirement” homes for the elderly.

Discipline and efficiency also virtually mandate, in turn, centralization, simplification, the use of ‘universalizing modules’ and comparative metrics. The disappearance and extirpation of vernaculars is the inevitable result. Every cultural universal, of course, began life as a vernacular at a particular time and place. The immanent purpose, never quite realized, of the World Bank, the IMF, the WHO, etc. is to universalize a peculiar 19th century North Atlantic neo-liberal module of modernity on the strength of British and American imperial hegemony.

I end with a tentative argument for extra-institutional resistance and some lessons from its practice in 20th century North America.

Résumé de la présentation (FR)

La plupart de nos institutions sont conçus dans l’esprit de la discipline et de l’efficacité. Je tiens à argumenter en faveur de l’importance historique - en particulier dans les démocraties - de la perturbation et la défection (non-organisée) extra-institutionnelle. La maximisation de l’efficacité et de la discipline revient à la minimisation de l’autonomie et de la créativité : un résultat qui nous appauvrit tous. Comment pourrions-nous concevoir des institutions dans le but de maximiser l’autonomie ? Je donne un petit exemple des maisons "de retraite" pour les personnes âgées.

Discipline et l’efficacité commandent aussi pratiquement, à leur tour, la centralisation, la simplification, l’utilisation de « modules universalistes » et des calculs comparatifs. La disparition et l’extirpation du vernaculaire sont le résultat inévitable. Chaque universel culturel, bien sûr, a commencé sa vie en tant que vernaculaire à un moment et à un lieu particulier. Le but immanent, jamais tout à fait réalisé, de la Banque mondiale, du FMI, de l’OMS etc. est d’universaliser un module néo-libéral de la modernité, particulier à la force de l’hégémonie impériale britannique et américaine de l’Atlantique Nord au 19ème siècle.

Je termine avec un argument de principe en faveur de la résistance extra-institutionnelle et des leçons tirées de sa pratique au 20e siècle en Amérique du Nord.

Biographie (ENG)

James Scott is the Sterling Professor of Political Science and Professor of Anthropology and is Director of the Agrarian Studies Program. He is a Fellow of the American Academy of Arts and Sciences, has held grants from the National Science Foundation, the National Endowment for the Humanities, and the Guggenheim Foundation, and has been a fellow at the Center for Advanced Study in the Behavioral Science, Science, Technology and Society Program at M.I.T., and the Institute for Advanced Study, Princeton.
His research concerns political economy, comparative agrarian societies, theories of hegemony and resistance, peasant politics, revolution, Southeast Asia, theories of class relations and anarchism. He is currently teaching Agrarian Studies and Rebellion, Resistance and Repression.
Recent publications include “Seeing Like a State : How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed”, Yale University Press, 1997 ; “Geographies of Trust : Geographies of Hierarchy,” in Democracy and Trust, 1998 ; “State Simplifications and Practical Knowledge,” in People’s Economy, People’s Ecology, 1998 and “The Art of Not Being Governed : An Anarchist History of Upland Southeast Asia” (Yale Press, 2009).

Source de la biographie et de la photo : page web de James Scott, Yale University