Historique
En 1983, Jacques Gutwirth et Colette Pétonnet, chercheurs CNRS, réunissent autour d’eux un groupe de jeunes ethnologues (chercheurs statutaires, universitaires, doctorants...) dont les terrains d’étude se situent en milieu urbain. Ils adressent au CNRS une demande de création de « recherche coopérative sur programme » (RCP) Anthropologie urbaine, accompagnée d’un projet de recherche sur la « pluralité ethnique à Paris ». L’objectif est de donner à l’ethnologie urbaine un cadre d’exercice stable en créant au CNRS la première équipe se consacrant à cette sous-discipline.
En 1984, un séminaire mensuel est institué où les membres de l’équipe confrontent leurs travaux en cours. Il se tient à Paris, rue d’Athènes, dans des locaux aimablement prêtés par le groupe de sociologie des religions.
En 1985, le groupe devient « jeune équipe » du CNRS pour deux ans. Cette équipe obtiendra une année de prolongation avant d’accéder au statut d’unité propre (UPR 34) en janvier 1988. Après un hébergement précaire au Musée de l’Homme, le Laboratoire d’anthropologie urbaine est accueilli au Centre de recherche pluridisciplinaire d’Ivry.
Au fil des ans, des chercheurs hors-statut ont intégré le CNRS ou l’université, des thèses ont été soutenues, des livres écrits et publiés, des colloques organisés. Chaque chercheur a la maîtrise de la conduite de ses travaux tout en participant à des projets et des réalisations collectives.
Jacques Gutwirth et Colette Pétonnet ayant fait valoir leur droit à la retraite, c’est Patrick Williams qui leur a succédé comme directeur de 1996 à fin 2003. Elue sous-directeur en novembre 2001, Catherine Choron-Baix s’est acquittée de cette fonction jusqu’au 31 décembre 2003. En janvier 2004, Jean-Charles Depaule, qui avait rejoint le laboratoire en 2000 en est devenu à son tour le directeur.
Le LAU compte aujourd’hui 28 membres, 6 membres associés et 5 doctorants et post-doctorants. Il a été régulièrement renouvelé par la section 38 du Comité national de la recherche scientifique. Il constitue un pôle scientifique reconnu. Les travaux de ses membres sont la source d’inspiration de nombreux enseignements. Les visites des chercheurs étrangers sont fréquentes. Il est en outre régulièrement sollicité par le monde associatif pour des activités de formation, de vulgarisation ou de valorisation.
Présentation
Le Laboratoire d’anthropologie urbaine s’inscrit dans une lignée ethnologique et anthropologique : il s’agit, en utilisant l’héritage et les instruments d’une tradition scientifique éprouvée, d’explorer de nouvelles voies et d’ouvrir davantage à l’enquête ethnographique des terrains et des objets plus proches, plus banals, pour certains, et appartenant dans leur majorité au monde urbain contemporain.
La démarche ethnographique, qui fait une part importante à la description, constitue un élément fort et constant de l’identité du LAU. Cette démarche va de pair avec une réflexion méthodologique ou épistémologique. Ainsi, les travaux des membres du laboratoire n’ont cessé d’interroger la tradition scientifique dans laquelle ils souhaitaient se situer, non seulement à cause de la nature peu convenue de leur objet, mais plus encore du fait des déplacements du point de vue qu’ils proposaient et de la distance qu’ils établissaient, qu’ils devaient redéfinir. Une distance, ou une distanciation, requise par une proximité géographique ou culturelle le plus souvent inhabituelle et par un changement dans l’échelle d’analyse.
Aujourd’hui les chercheurs du LAU poursuivent leur réflexion notamment sur la spécificité actuelle de l’espace urbain. Le champ s’est complexifié. Le contexte est celui d’une urbanisation en cours de généralisation : le fait urbain tend à s’imposer. Cela correspond à des évolutions quantitatives, à l’extension des zones urbanisées et à l’accroissement des populations qui y résident ou y ont leur emploi, et, d’un point de vue structurel, à une diffusion hégémonique des modèles et des traits de culture. On observe une évolution, sinon vers un continuum allant du monde rural jusqu’aux univers virtuels que tissent les réseaux informatiques, en passant par l’urbain, le suburbain, le périurbain et le “rurbain”, en tout cas vers des ensembles dont les contours se sont déplacés. Les référents spatiaux se sont diversifiés. Les relations et frontières entre sphères publique et privée se modifient. Moments, rythmes et territoires de la vie quotidienne se recomposent, en se fragmentant, tandis que des territorialisations partielles, plurielles, se développent. Des sans domicile aux manifestations de rue, celles-ci donnent lieu à des inscriptions dans l’espace et des scansions temporelles nouvelles, qui peuvent prendre la forme de réappropriations et de “re-patrimonialisations”.
Si elles changent de nature, les différences d’ordre spatial, culturel et social ne se dissolvent pas pour autant dans la généralisation de l’urbain, elles se reformulent en puisant dans des registres nouveaux. A travers la diversité de leurs objets, les travaux du LAU s’attachent à ces transformations qu’un regard ethnologique permet de saisir et de problématiser. Ils mettent en tension contrastes, particularités et uniformisations, en s’efforçant de ne privilégier ni négliger les survivances, les marges ou les enclaves. Ils étudient les relations qui, insoupçonnées et données pour contradictoires par le sens commun, existent entre l’éphémère et le pérenne, le continu et le discontinu, le prévisible et l’inattendu, le stable et le changeant.
Les chercheurs de l’unité conçoivent donc désormais la problématique urbaine de celle-ci dans une acception élargie. Ils ont décidé en novembre 2004 d’adjoindre à son intitulé un sous-titre : “ Espaces et temps sociaux, reformulations culturelles ”.
Territoires urbains, appropriations, mobilités ; Compositions et recompositions des appartenances culturelles ; Corps, gestes et signes ; Sources et écritures : telles sont les quatre orientations thématiques principales qui fédèrent les membres du LAU.
La recherche individuelle et collective constitue leur activité essentielle. Leurs travaux, qui ont une composante comparative forte, portent sur des terrains divers, situés en Afrique, en Asie, au Maghreb et au Proche-Orient, en Amérique, y compris les Antilles, en France, en Grande-Bretagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Hongrie, en Roumanie, en Slovaquie ou en Russie...
Un séminaire mensuel, dont le thème est défini annuellement et qui peut faire appel à des intervenants extérieurs, réunit l’ensemble des membres du laboratoire. Des équipes (ou groupes) formées autour d’opérations ou de programmes sont par ailleurs des lieux d’échange souples pour des réflexions sur des thèmes particuliers. Des séminaires, journées d’études et rencontres sont organisés dans ce cadre.
L’enseignement, l’expertise et la valorisation mobilisent également les membres du laboratoire, qui, outre des interventions dans des enseignements généraux (initiation, méthode...) et des filières professionnelles, peuvent apporter leur contribution à des enseignements plus spécifiques concernant l’anthropologie urbaine dans les différents cycles universitaires - et notamment au cycle doctoral - mais aussi dans des formations spécialisées comme les écoles d’architecture ou de design.