Responsables
Anne RAULIN
Liliane KUCZYNSKI
Patrick GABORIAU
Participants
Carole AMISTANI
Fabienne DUTEIL-OGATA
Francine FOURMAUX
Noël JOUENNE
Olga MURO
Sylvie NAIL
Marie PERCOT
Elodie RAZY
Gilles TEISSONNIERES
Daniel TERROLLE
Du religieux dans l’espace urbain
Le rôle des institutions religieuses dans la dynamique des activités urbaines est une approche qui reste à développer dans le domaine de l’anthropologie urbaine – en particulier dans une perspective comparative, qui inclut, pour Anne Raulin, Paris et New York. A Paris, ce sont les initiatives d’une paroisse catholique en direction des minorités urbaines locales, créant les conditions de possibilité d’une expression ethnique publique, qui sont au centre de la recherche. A New York, dans le contexte issu du traumatisme du 11 septembre 2001, l’engagement d’une paroisse à proximité du site du World Trade Center envers de nouvelles formes de rapprochement interconfessionnel et de réconciliation, s’insérant dans un projet de re-sacralisation de la ville, constitue l’objet principal d’étude. Ce projet comparatif visant à mettre en évidence de nouvelles utopies urbaines est aussi en relation avec le séminaire de master 2 qu’Anne Raulin anime à l’Université Paris 10, Approche comparative des grandes métropoles, et avec le programme d’observation anthropologique réciproque engagé, avec la Wenner-Gren Foundation for Anthropological Research, entre anthropologues français travaillant sur les Etats-Unis et anthropologues américains travaillant sur la France.
Dans cette même thématique des dynamiques urbaines provoquées par des mouvements religieux, le travail en cours de Liliane Kuczynski sur les musulmans dans la Caraïbe francophone analyse comment et à quel moment une religion portée au départ par des migrants venus d’ailleurs a pu prendre pied et devenir visible dans une région où elle était inconnue, en attirant de plus en plus d’Antillais. Cette implantation de l’islam implique les municipalités, concernées par l’édification de lieux religieux et d’espaces funéraires particuliers ; mais elle concerne aussi les relations avec la population globale dans des îles considérées comme multiculturelles ; enfin elle fait apparaître les arrangements ou conflits qui naissent au sein des familles, majoritairement composites sur le plan religieux. La recherche traite également des phénomènes de migrations car l’enracinement de l’islam dans les Antilles francophones est marqué par une tension entre les musulmans établis dans les îles et ceux qui ne font qu’y séjourner brièvement. Cette situation d’une religion minoritaire se développant dans le cadre d’un département français éloigné sera comparée avec celle de la métropole et avec celle de pays aux prises avec des questions du même type (le Québec et la question des « accommodements raisonnables »).
Si la question des transformations de l’espace funéraire n’est qu’un point particulier du travail de Liliane Kuczynski, Fabienne Duteil-Ogata propose de cette thématique une analyse plus large. Elle poursuit son travail de recherche sur l’espace funéraire à Tôkyô, dans le cadre du programme ANR « Funerasia : l’expansion de l’industrie funéraire dans les grandes villes de l’Asie du nord-est » (2005-2010), dirigée par Natacha Aveline (Institut d’Asie orientale). Deux axes de recherche seront principalement traités : la transformation des pratiques funéraires (objets cinéraires, tombes virtuelles, prières via Internet) ; le développement « vert » : dispersion des cendres dans la nature – mer, montagne, forêt –, sous les cerisiers, tombes gazon, cercueil écologique.
Pauvretés dans les villes
Les rues canalisent des flux et des passages, mais elles sont également des espaces de vie pour une frange de la population. La ville est un territoire conflictuel, marqué par les rapports de classes, des enjeux de lutte et de domination, et par des valeurs collectives.Les rues canalisent des flux et des passages, mais elles sont également des espaces de vie pour une frange de la population. La ville est un territoire conflictuel, marqué par les rapports de classes, des enjeux de lutte et de domination, et par des valeurs collectives.
Les chercheurs orientent leur travail autour de plusieurs axes. En premier, l’étude des institutions en rapport avec la pauvreté. Quels sont les rapports entre les institutions caritatives ? Comment se construisent les discours sur l’ « humanitaire » ? Quelles sont les actions et pratiques des institutions ? Comment s’articulent les pouvoirs de l’Etat et ceux des associations ? Quelle est la place différentielle réservée aux hommes et aux femmes ? En second, dans le droit-fil des travaux de Colette Pétonnet, les chercheurs
continuent d’étudier de manière ethnographique les divers lieux de vie, diurnes et nocturnes, des personnes sans logis. Enfin, des objets d’étude naîtront à partir de l’actualité changeante sur le thème (ainsi une publication récente a traité de l’installation des tentes par les Enfants de Don Quichotte le long du canal Saint Martin à Paris). L’étude des aménagements urbains pour empêcher les personnes de s’installer durablement sur l’espace public sera poursuivie. D’autres travaux concerneront les « politiques sociales » et, d’une façon plus large, le vocabulaire politique et médiatique.
Des structures d’hébergement aux divers services d’accueil relatifs au soin et à « l’insertion », Carole Amistani s’attachera à repérer, par l’intermédiaire de la nature même des prestations offertes, si la frange féminine de cette « population » continue d’avoir une place et un statut particuliers. Elle restera attachée à l’observation des évolutions des propositions d’accompagnement institutionnelles faites aux femmes sans domicile (avec ou sans enfants).
Patrick Gaboriau doit achever son étude des discours sur la pauvreté, en montrant leur intrication avec la lutte des classifications en jeu pour nommer le « pauvre ». Par ailleurs il progressera dans un travail comparatif fondé sur des études de terrain à Paris, Moscou et Los Angeles.
L’enquête que Noël Jouenne mène sur la région Rhône-Alpes depuis 2001 l’a conduit à élaborer un questionnement sur les usages du partage de l’espace urbain. Les enjeux idéologiques de l’habitat collectif à fort capital patrimonial, tantôt délaissé, tantôt surinvesti, constituent le fil conducteur d’une enquête comparative. Le lien avec le processus de patrimonialisation concerne la mise en acte de la mémoire. Cette étude se poursuit par une enquête sur un groupe d’habitat collectif (les Etoiles, de l’architecte Jean Renaudie à Givors).
Elodie Razy propose d’amorcer une réflexion comparative entre espaces urbains au nord et au sud à partir de l’étude de l’insécurité alimentaire à Bamako (dans le cadre d’une ACI en 2007).
Gilles Teissonnières continuera une enquête engagée au début des années 1990, et régulièrement réactivée depuis, concernant les centres d’hébergement parisiens pour les personnes SDF. Cette recherche porte un regard diachronique sur ces institutions et tente de repérer les évolutions et les pratiques afférentes. Elle autorise principalement une analyse des transformations éventuelles des modes de prises en charge d’une population marginalisée et une confrontation des discours portant sur la pauvreté.
Daniel Terrolle, poursuivant l’étude des mécanismes du « marché de la pauvreté », s’intéressera aux dispositifs de prise en charge de la santé des SDF et aux contradictions latentes de ces derniers. Avec cela, il étendra l’étude des apports de l’humanitaire à cette population et analysera le sens véritable de ces derniers. Par ailleurs, Il restera attentif au développement des aménagements urbains dissuasifs, dans le cadre des Contrats Locaux de Sécurité, visant à exclure les sans-abri des centres-villes et à les contingenter - via les dispositifs mobiles « d’aide » (maraudes diverses) - dans l’usage quotidien d’accueils diurnes et nocturnes visant à escamoter leur visibilité à défaut de leur fournir un logement définitif. Enfin, il achèvera un ouvrage tirant le bilan de ses recherches sur la mort des SDF. Investi dans la co-direction du séminaire inter–laboratoires (CRPS/CIRCEFT/LAU) « Zones frontières/ Découvrir l’impossible de la pauvreté », il participera à la publication des deux premières années de ce séminaire. Par ailleurs, il s’investira avec G. Teissonnières dans la poursuite du séminaire « Epistémologie » au IIAC et dans la publication des productions de ce dernier permettant, en écho à « Chemins de la ville », de tirer un bilan sur les réflexions développées en anthropologie urbaine, au LAU, pendant cette période.
Circulations, enracinements
Parmi les travaux menés sur la migration, Marie Percot s’est attachée à de nouvelles aires géographiques de forte immigration comme les pays du Golfe Persique (ou migrations sud-sud). Une approche de la migration en termes de genres contribue par ailleurs à enrichir les recherches dans ce domaine. Une partie de son étude menée en Inde portera sur le secteur de la formation des candidats à la migration (infirmières ou informaticiens en particulier) dans lequel se sont engouffrées de grandes firmes multinationales. Il ne s’agit plus seulement d’un transfert du coût de la formation dans les pays du sud, mais d’une source organisée de profit. Cette recherche sur l’un des phénomènes migratoires indiens a ouvert sur une collaboration régulière avec le Centre for Development Studies (Trivandrum, Inde du Sud) et le Centre for Women’s Development Studies (New Delhi). Cette collaboration, qui a déjà donné lieu à deux séries de journées d’étude (Ivry en 2006 et Trivandrum en 2007) et un ouvrage sous presse, doit se poursuivre dans un séminaire avec le CWDS qui sera organisé à partir de fin 2008.
Dans un autre domaine, l’étude des circulations au sein de la famille dispersée soninké (Afrique/Europe/Amérique du Nord) permet à Elodie Razy de travailler sur la réinvention permanente des formes de la parenté (liens et relations) et sur le modelage corporel des identités au fil du cycle de vie.
Envisageant les deux vagues d’immigration économique espagnole à Paris et en Région Parisienne, Olga Muro travaille plus précisément sur l’évolution de la conception espace/temps et ses conséquences sur la perception des territoires, des frontières et des appartenances - réels, symboliques ou imaginaires - chez les fils de migrants espagnols. Dans une démarche comparatiste et diachronique articulant les niveaux micro et macrosocial, elle tente d’analyser les causes de ces changements.
En complément de ces études de terrain, Liliane Kuczynski et Elodie Razy mènent une recherche à la fois bibliographique et conceptuelle sur la façon dont les anthropologues traitent de la migration d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale vers la France. Cette recherche sera approfondie dans des publications et par la mise sur pied d’un colloque. Elodie Razy doit également coordonner en 2009 un atelier sur le rôle joué par l’âge et la génération dans les migrations, qui explorera des nouvelles dimensions des processus migratoires peu étudiés jusqu’à présent. Et elle organisera par ailleurs, en collaboration avec Doris Bonnet (IRD), un colloque international (Les mondes de l’anthropologie de l’enfance. De la pluralité des regards à la construction d’une « tradition » ?).
Espaces en renouvellement
Des espaces verts urbains aux entreprises s’ouvrant au tourisme, des lieux du cirque à ceux dévolus aux animaux, de nombreux sites se transforment ou sont investis par des usages nouveaux. Plusieurs recherches de terrain analysent ce renouvellement.
Celles de Sylvie Nail portent sur les espaces verts et les interactions que les populations urbaines entretiennent avec eux en Angleterre. En particulier, il s’agit de repérer les formes d’investissement (ou de non-investissement) de la part des minorités ethniques, leurs manières d’inscrire leur mémoire et leurs identités dans ces espaces urbains.
A partir d’une investigation ethnographique réalisée dans les départements d’Ile-de-France, Gilles Teissonnières poursuivra une recherche sur le tourisme industriel en se concentrant sur la compréhension des publics multiformes de l’entreprise. Son étude portera aussi sur les logiques qui président à la rencontre des mondes du travail et du loisir ainsi que sur les enjeux mémoriels et politiques qui se cristallisent autour de la mise en tourisme de l’univers industriel.
Francine Fourmaux souhaite continuer ses travaux sur les lieux de création et de diffusion du cirque en France puis en Europe. Certains ont fait l’objet de restauration, d’autres de projets architecturaux et culturels, d’autres encore de transferts d’usages (friches industrielles), mais tous constituent des étapes et des temps forts pour les circassiens et les populations locales. Les actes de la journée d’études « Les lieux du cirque » organisée avec le collectif de chercheurs CCcirque en juin 2006 devraient paraître très prochainement.
Fabienne Duteil-Ogata a commencé une recherche sur la place de l’animal de compagnie (notamment du chien) dans deux métropoles : Tôkyô et New York. L’animal de compagnie est-il devenu un « être social » à part entière : urbanisé, stratifié, discriminé, consommateur ? L’analyse comprendra l’étude de la répartition des espaces urbains (ceux réservés aux hommes et ceux dévolus aux chiens) et des nouveaux aménagements (dog run, cimetières animaliers, commerces et services, résidences spécialisées) ; l’étude de nouveaux modes d’habitats et d’habiter induits par la présence animale ; enfin celle des formes de sociabilité qu’engendre cette dernière. Ces questions seront abordées pour New York et Tôkyô dans une perspective comparative, les influences respectives des deux métropoles étant incluses dans l’analyse.
Liliane Kuczynski a entamé le volet bibliographique du projet qu’elle a conçu avec Michèle Baussant (CNRS, UMR 7186) : l’évaluation critique de la notion de « non-lieu », forgée en 1992 par Marc Augé, notion beaucoup citée, qui traverse l’anthropologie contemporaine mais qui a rarement été mise à l’épreuve. Outre le volet bibliographique permettant de mesurer la place de cette notion dans le champ de l’anthropologie des années 1990 et de la confronter à d’autres concepts, ce travail comportera une mise en œuvre de la notion sur des terrains ethnographiques variés, afin d’en apprécier la valeur heuristique. La recherche doit se dérouler d’abord dans un atelier de lecture puis dans un séminaire.