Atmosphères ? Ethnographies du sensible
Dire, écrire, représenter par l’image arrêtée ou en mouvement l’ineffable, l’irréductible de l’expérience urbaine ? En emboîtant le pas, avec ou sans la caution de W. Benjamin et de Baudelaire, au promeneur, au flâneur ? Est-il possible de dépasser l’embarras que l’on est susceptible d’éprouver lorsque, dans l’exercice du métier d’ethnologue, on prête attention à l’environnement sensible ?
Dans une perspective venant compléter et/ou alimenter une réflexion sur la construction de l’objet et la description, on s’interrogera sur la manière de rendre compte des qualités sensibles de l’espace urbain appréhendé à diverses échelles spatiales et temporelles et sur la façon d’articuler deux registres, le sensible et le conceptuel, que l’on a tendance à juger étanches. Des paysages sonores, olfactifs et visuels, la ville en mouvement seront réexplorés ainsi que leur rencontre avec les formes sociales et spatiales. Des ambiances que, en empruntant à un champ sémantique tantôt moral, tantôt physique, psychologique ou esthétique, le langage courant qualifie d’intimes ou de froides, de chaudes ou d’impersonnelles, de lugubres ou de joyeuses. Des ensembles de signifiants faisant système, dont les ingénieurs du son évaluent le degré de saturation, dont les éclairagistes savent mesurer l’intensité en lux et la chaleur en degrés kelvin, et qui, dans leurs dimensions indissociablement physiques et symboliques, constituent des objets pour l’observation ethnographique.
On se demandera pourquoi et dans quelle situation décrire une atmosphère : s’agit-il d’un objet à part entière ou d’une réalité périphérique, convoquée « seulement » pour brosser un décor, indiquer un contexte, voire pour produire un effet de vraisemblance ? A la lumière de travaux ethnologiques récents, on confrontera aux catégories locales ou « indigènes » (« atmosphère », « climat », « ambiance »…, et leurs équivalents) celles de l’observateur. On essaiera de mesurer la fécondité de démarches (comme l’observation flottante préconisée par Colette Pétonnet), d’objets (en particulier ceux de l’historien Alain Corbin), de concepts ou notions (par exemple celle de style ethnique de Leroi-Gourhan). On s’attachera aux modalités de la description, aux rapports de l’observation à l’écriture et à l’image.
Programme
15 février 2007
Mathieu Claveyrolas, membre du Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du sud - Ceias.
Rendre compte de l’atmosphère d’un temple hindou.
Ouvrage : Quand le temple prend vie. Atmosphère et dévotion à Bénarès, Paris, Éditions du CNRS, 2003.
15 mars 2007
Virginie Milliot, maîtresse de conférences à l’université de Paris X, Nanterre.
Barbés. Expériences d’une atmosphère d’entre-deux.
26 avril 2007
Stéphane Rennesson, université de Versailles-Saint-Quentin.
Climatologies du duel en Thaïlande.
24 mai 2007
Benoit Fliche, chargé de recherche au CNRS, Etudes turques et ottomanes, CNRS-Collège de France-EHESS.
Esthétique quotidienne et expériences migratoires en Turquie.
Jeudi 21 juin 2007
Table ronde
_______________
15 novembre 2007
Nicolas Puig, chargé de recherche à L’Ird, Institut français du Proche-Orient, Beyrouth - chercheur associé au Lau.
« Je vais voir l’ambiance, ce qu’elle fait »
(ana râyeh ashûf al-gaw biya’amal êh)
Derrière cette petite phrase anodine qu’un citadin cairote pourrait facilement prononcer prenant congé de son épouse, par exemple, tandis qu’il s’apprête à passer le seuil de son appartement, en réponse à une question, elle aussi de pure forme, se dissimulerait une question anthropologique non dénué d’intérêt. Je la formulerais pour ma part en ces termes : comment décrire la relation sensible d’habitants d’une ville aux paysages instables (pour reprendre le mot employé dans la présentation du séminaire), plus ou moins présents à la conscience, constitués par la rencontre entre des lieux et ce qu’il s’y passe (où ne s’y passe pas) et que l’on désigne parfois par le terme d’ambiances ?
Pierre Sansot évoque : « (...) ce miel dont nous voyons à l’œil nu qu’il est gluant, ce morceau de fonte dont nous voyons qu’il est lourd, ce vase de cristal dont la sonorité est inscrite dans sa perception visuelle ». Il continue en précisant : « Il en serait de même pour ce quartier qui respire la misère ou l’opulence, de “cette rue canaille ou compassée”, de cet établissement qui est une brasserie et non un bistrot. D’ailleurs, s’il n’en était pas ainsi, comment une lecture des essences serait-elle possible ? Si les a priori n’étaient pas enfouis dans les lieux, de quel droit songerions-nous à les mettre en évidence ? »1
Plutôt que d’évoquer une « essence » des lieux, j’en resterai à la notion d’ « ambiance urbaine ». Celle-ci, plus modeste, a le mérite de correspondre à une catégorie locale, proche de l’expérience, gaw au Caire, jaw ou djaw, ailleurs dans le monde arabe, l’atmosphère ou l’ambiance. Suivant ce que les habitants disent de ces ambiances, attentifs à la façon dont ils y circulent et y contribuent parfois, je propose, en reprenant le fil d’enquêtes sur des différents terrains urbains dans le monde arabe (Tozeur, Le Caire, Beyrouth), de tenter d’explorer ce que recouvre la notion et ce qu’elle nous laisse entrevoir des différentes « conceptions urbaines ». Un élargissement sera possible au son et à la musique (qu’est-ce que l’ambiance musicale – al-gaw al-mûsîqî– ?) ; il permettra, négligeant un temps la prépondérance de la vue dans l’appréhension sensorielle de la ville, de mettre l’accent sur l’audition.
1 - P. Sansot, 1996, Poétique de la ville, Paris, Armand Colin, p. 49.
Ouvrage : Puig, Nicolas, Bédouins sédentarisés et société citadine à Tozeur (Sud-ouest tunisien), Karthala / Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain, 2003, 353 p.
20 décembre 2007
Présentation de travaux - Hors Série
Julie Boukobza (candidate au CNRS)
Esthétiques scéniques des danseuses orientales au Caire. Perspectives transnationales
17 janvier 2008
Présentation de travaux - Hors Série
Elodie Razy (post-doctorante LAU)
Corps et migration (Mali/France/Mali) : des circulations au modelage des identités.
21 février 2008
Christine Jungen, chargée de recherche - Lau
Ambiances livresques : essai d’appréhension des modes de présence du savoir.
20 mars 2008
Philippe Tastevin, doctorant, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, Nanterre
Des paysages sensibles bousculés : l’arrivée du métro, de l’autorickshaw et du bac à ordure en Egypte.
17 avril 2008
Olivier Féraud, doctorant, IIAC-LAHIC
Environnements sonores napolitains.
15 mai 2008
Béatrice Fraenkel, EHESS - IIAC- Anthropologie de l’écriture
Atmosphères graphiques