Brève synthèse de la table-ronde qui s’est tenue au Cnrs les 19 et 20 novembre 2007 dans la perspective des Assises de l’anthropologie et de l’ethnologie de décembre 2007.
Malgré la grève des transports, la table-ronde « Musées d’ethnologie et pratique de l’ethnologie aujourd’hui » s’est déroulée en présence de la grande majorité des inscrits, ainsi que celle de collègues et étudiants intéressés. Le laboratoire d’anthropologie urbaine du CNRS en avait assuré le déroulement dans des conditions agréables. Il y eut des interventions parfois vigoureuses et des discussions animées, mais sans agressivité. Nonobstant des invitations envoyées à nombre de responsables de province, on regrette leur absence. Anne-Christine Taylor, empêchée par les grèves, n’a pu participer, mais aucun autre responsable du Musée du Quai Branly, pourtant au cœur des questions évoquées, n’avait daigné accepter nos invitations.
Pour tous les participants le lien entre ethnologie sur le terrain et musées de société s’avérait primordial. Il ne faut pas cacher que l’existence récente du musée du quai Branly, et celle prévue du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, suscitèrent analyses et réactions souvent critiques, mais aussi des propositions quant à leur orientation et quant au rôle que devraient y jouer des ethnologues ou anthropologues. Par ailleurs, diverses interventions soulignaient que des interrogations sur les rapports entre le Musée de l’Homme, le Musée des Arts et Traditions populaires et anthropologues existaient depuis longtemps ; des causes diverses quant à une réelle désaffection (et on peut parler de divorce pour nombre de chercheurs), furent évoquées : notamment insertion professionnelle insatisfaisante dans des musées transdisciplinaires (au musée de l’Homme notamment), intérêt majeur pour des thèmes, tels la parenté et les mythes, en principe difficilement présentables muséologiquement. Pourtant, une des tâches des musées de société reste aujourd’hui, comme hier, de montrer par exemple des faits matrimoniaux et familiaux (Segalen). Les rapports avec les autorités de tutelle des musées furent évoqués. Si, tous les participants rappellent que le Musée du quai Branly, grand projet prestigieux (Guerreiro), a bénéficié du soutien des autorités, l’orientation de ce musée, notamment quant à la politique d’acquisition axée sur l’achat d’objets onéreux sur le marché de l’art, et non sur l’achat d’objets usuels sur le terrain (Coiffier), ainsi que les modalités de gestion (précarité de l’emploi et large externalisation des services) et de présentation « post-moderniste » des collections permanentes (Gaillard), étaient peu compatible avec la recherche sur la durée tels que l’entendent les anthropologues. Quant au MUCEM, en voie de réalisation, qui reste fidèle à la collecte d’objets contemporains avec mise en contexte (Chevallier), il ne reçoit qu’un appui mitigé des autorités de tutelle (Colardelle). La présence aujourd’hui de l’ethnologie au Musée de l’Homme, à l’heure de la mégalopole planétaire a été présentée à propos d’une maison venue du Japon (Gourarier). Cependant l’ethnologie n‘y est plus représentée que par quelques chercheurs non loin de la retraite (Dupaigne).
L’anthropologie dans le monde urbanisé a été évoquée par plusieurs intervenants (notamment Calogirou et Pétonnet) et la question de la collecte des objets actuels, ainsi que la présentation muséologique de faits urbains et modernes a été largement examinée. L’utilisation des moyens médiatiques divers apparaît désormais comme indispensables, mais ses limites restent à déterminer. Marc-Olivier Gonseth, conservateur du musée ethnographique (souligné par nous) de Neuchâtel (MEN) en Suisse (à Genève aussi, on utilise délibérément ce mot pour désigner le MEG, « musée d’ethnographie » de la ville ) a montré comment, à Neuchâtel, on utilise des supports classiques et médiatiques pour ses présentations. Il a rappelé aussi les liens durables entre le musée de Neuchâtel et un institut de recherche installé sur place. Une intervention (de l’Estoile) a souligné que le musée anthropologique d’aujourd’hui ne peut plus être une encyclopédie des cultures du monde ; il doit être un musée de la relation avec les autres, ce qui nécessite. autant que dans le passé, des anthropologues pour créer cette relation de manière signifiante.
Les intervenants à cette table-ronde ont, dans des perspectives diverses, souligné l’importance de la présence continue (et rétribuée !) d’ethnologues anthropologues, ceci également au niveau décisionnel, dans les musées qui concernent les cultures du monde, et qui prétendent les faire connaître.
Bernard Dupaigne et Jacques Gutwirth.