Au sein des sciences sociales, la pratique de l’ethnographie se distingue des autres en ce qu’elle s’oppose à « l’expérimentation », c’est-à-dire à la constitution abstraite d’un « échantillon représentatif » pour y tester l’hypothèse de telle ou telle corrélation entre variables prédéfinies. Elle veut avoir affaire au « concret », à ce qui existe là avant même que quiconque se préoccupe d’en dire quoi que ce soit. C’est dire que l’empirisme est son danger permanent : ce dont il lui faut avoir le souci constant de se préserver.
Renouant avec une problématique qui fut celle des Chemins de la Ville, cet atelier se propose d’instituer un lieu de rencontre et de réflexion où chaque intervenant présenterait, non pas tant le contenu de sa recherche, que la manière dont il la mène, dont il construit son objet.
Différentes orientations s’avèrent envisageables et leur co-existence est possible :
* Une première orientation, qu’on pourra dire sémiologique, s’attache à lire la ville comme système de signes.
* Un deuxième orientation, peut-être plus sociologique, s’attache à décrire les faits observés en les resituant par rapport à la société globale.
* Une troisième approche s’appuie sur une conception de la ville comme espace de liberté. Au chercheur d’entrer dans ce jeu, qui peut être celui de la rencontre, de l’« observation flottante », de la description des ambiances, voire des personnes singulières. On pourrait qualifier de poétique de la ville cette troisième orientation.
* On pourrait nommer dialectique un quatrième mode de « construction de l’objet », où celui-ci se constitue peu à peu, comme en réseau, au hasard des rencontres et des médiateurs, et où le chercheur lui-même entre en jeu comme « sujet » dans cette aventure.
Pourquoi une telle typologie ?
Parce qu’à eux quatre ces pôles permettent de définir, pour employer un terme aujourd’hui démodé, une structure, faite de deux oppositions croisées. Les orientations III et IV (poétique/dialectique) s’opposent aux deux autres (sémiologie/sociologie) comme une implication personnelle vécue (où, d’une certaine manière le chercheur est lui-même constitutif de ce qu’il décrit) à la distance du regard ou de l’intellection objectivante pour lesquelles l’ « objet » (qu’il soit immédiatement repéré, ou pensé comme système de relations) est présupposé faire face. Les orientations I et III, en revanche, sont fondamentalement dans une épiphanie de la présence de ce qui se donne à voir ou à sentir, tandis que les deux autres (sociologie/dialectique) seraient davantage dans l’épaisseur problématique et éventuellement douloureuse de l’historicité.
Que ce soit sous tel ou tel pôle ou par rapport aux axes de coordonnées qu’ils permettent de définir, la grille de lecture proposée ici n’a pour seul objectif, et pour seul intérêt, que d’ouvrir « l’espace » d’une réflexion.
Les séances ont lieu de 10h30 à 12h30 en salle C au Laboratoire d’anthropologie urbaine, CNRS, 27 rue Paul-Bert, Ivry-sur-Seine
[Vous pouvez contacter Daniel Terrolle ou Gilles Teissonnières
Calendrier des interventions :
11 février 2010
Patrick Williams.
Le Jazz comme objet anthropologique.
11 mars 2010
Marie Treps.
Mes objets sont des objets linguistiques que je ne construis pas, ils
se construisent.
8 avril 2010
Noël Jouenne.
La mise en objet chez Le Corbusier.
6 mai 2010
Marie Percot.
De la migration dans le Golfe des infirmières indiennes aux USA Nurses
du Kérala : comment suivre l’évolution rapide d’une niche migratoire ?
10 juin 2010
Sylvaine Conord.
La mise en image photographique, un instrument de recherche spécifique
en anthropologie