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Disparition de Claude Lévi-Strauss, père de l’anthropologie moderne

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La mort de Claude Lévi-Strauss a suscité un concert unanime d’hommages et de louanges. On célèbre le philosophe dans la lignée de Rousseau, l’écrivain dans la lignée de Chateaubriand, le plus grand intellectuel français de la seconde partie du vingtième siècle, le père de l’anthropologie moderne, le fondateur du structuralisme...

On oublie, mais c’est la règle en ces circonstances, que l’auteur de Race et histoire (1952) et de Race et culture (1971) n’a pas toujours rencontré une telle unanimité. Si le premier texte a été très favorablement accueilli, le second a fait l’objet de critiques acerbes et a été lu par certains comme une justification de la xénophobie, voire du racisme.

Pourtant, quelques décennies plus tard, au début du vingt et unième siècle, les mêmes propos, ou presque, tenus dans la même enceinte (l’UNESCO), étaient chaleureusement approuvés [1]. Entre temps, les conséquences sociales, culturelles et écologiques de l’uniformisation mondialisée avaient commencé de se faire ressentir et avaient relativisé la pertinence de l’universalisme occidental.

Cela montre bien à quel point l’anthropologie de Lévi-Strauss touche directement – et non pas par un effet indirect et paradoxal – aux questions les plus aigües du contemporain. Claude Lévi-Strauss a mené sa recherche pour elle-même, en restant constamment à l’écart des commandes et des tentations de l’actualité. Son influence n’en aura pas moins été incommensurablement supérieure à celle d’autres penseurs patentés de la marche du monde. Sans doute y a-t-il là une leçon à méditer par les temps
qui courent.

Jean-François Gossiaux


[1(Cf. Wiktor Stoczkowski, « Controverse sur la diversité humaine », Sciences Humaines, N° spécial 8, 2008)