ENVIRONNEMENT, ÉCOSYSTÈMES MATÉRIELS ET IMMATÉRIELS
Le processus de mondialisation, entamé dès la fin du XVe siècle avec les grandes découvertes, est parvenu au stade dit de la globalisation avec l’effondrement de l’URSS et des pays satellites, avec l’accélération du développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et l’hypertrophie récente du capitalisme financier global.
Dès les années soixante-dix, la question des « limites de la croissance » avait été posée par le rapport du Club de Rome : l’explosion globalisatrice, la poussée démographique (qui conduirait, d’après les extrapolations, la population du globe de 6 milliards aujourd’hui à 9 milliards en 2050), l’aggravation des pollutions, les menaces sur la biodiversité et les équilibres écosystémiques - tout cela a eu pour conséquence de poser avec plus d’acuité la question de la finitude et de l’épuisement des ressources en énergie, en eau et en matières premières. Des questions fondamentales sont posées avec urgence et acuité : celles de la croissance (ou de la décroissance), celle du développement, celle des formes de production industrielle ou agricole, celles des stratégies à appliquer pour nourrir la population de la planète, protéger la biodiversité sans pour autant financiariser la nature et le vivant, prendre en compte le changement climatique et maîtriser ses causes humaines. Quelles réponses l’anthropologie peut apporter à ce que certains auteurs décrivent sous le terme d’anthropocène ?.
D’autres interrogations émergent également dans ce contexte : la croissance des circulations et des échanges (numériques notamment), ainsi que des bouleversements technologiques (de l’essor d’internet aux bio- et nanotechnologies), sont en passe de transformer aujourd’hui les relations physiques et sociales qu’entretiennent les individus, et le corps humain, avec leurs environnements, aussi bien au niveau local que dans la gestion à l’échelle planétaire.
L’anthropologie du contemporain et l’IIAC envisagent les phénomènes planétaires liés à la globalisation sous leurs aspects relevant de l’institution de la culture, du politique et de la complexité. Ils ne peuvent évidemment pas se passer de les aborder également sous l’angle plus général de ce que l’on peut identifier par l’étiquette « environnement » dans son acception la plus large, soit l’ensemble des relations entre les sociétés, les individus et leurs milieux — biologiques, naturels ou artificiels. « Environnement », comme « milieu », ne sont ici utilisés que comme étiquette ou mots-clés : ils reflètent en effet une conception quelque peu archaïque, trop statique, insuffisamment dynamique, pour ainsi dire théâtrale (des acteurs dans un décor-milieu, comme immuable), alors que les notions de système, de réseau, d’interaction et de rétroaction sont indispensables pour rendre compte de la complexité des phénomènes et des processus en cause.
Depuis longtemps des chercheurs du IIAC ont travaillé sur la ruralité, le rapport au paysage et à la nature, la conservation et la gestion, la patrimonialisation, à travers les parcs naturels ou le paysage. C’est très précocement que fut abordée l’émergence de la problématique écologique à travers la question des pollutions et de ses effets politiques, dans le contexte d’enquêtes par immersion et observation participante dans des opérations d’aménagement ou d’urbanisation (Fos sur mer, La Défense). Des travaux marquants ont été développés dans toutes les équipes, tant sur le plan théorique (inter et transdisciplinarité, complexité, anthropologie fondamentale) que méthodologique (approches classiques de l’anthropologie, « sociologie du présent », de l’événement et de la crise, approches comparatives qualitatives et quantitatives, analyse de réseaux — dans l’ANR ANAMIA notamment) et empirique.
A partir d’objets de recherche tels que le corps, la santé, l’alimentation mais aussi le jeu, les formes de sociabilité urbaines, les écosystèmes matériels ou immatériels, naturels ou techniques, les interactions entre phénomènes climatiques et sociaux et/ou économiques, le IIAC poursuivra, renouvellera les interrogations fondamentales sur l’individualisation de la société, les formes de socialisation, les crises et les tendances émergentes, les formes de temporalité contemporaines. Au cœur des interrogations contemporaines figurent la notion de durabilité (sustainability), la gestion des ressources limitées, de la croissance et de ses limites. Dans cette perspective, l’évolution des sociétés contemporaines dans leurs interactions complexes sera envisagée sous trois angles principaux : la physis, ou monde « naturel » ; la technê, celui de « l’artifice » et des créations humaines ; enfin l’alimentation, interaction pour ainsi dire première entre organisme et écosystème, individu, groupe et société.
1/ La physis ;
2/ La technê ;