Journée d’études le 26 novembre 2012 (de 9 h à 13 h, salle du conseil B, 190-198 av de France 75013 Paris), puis 1er et 3e lundis du mois de 11 h à 13 h (salle 9, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 7 janvier 2013 au 3 juin 2013. Pas de séance le 4 mars 2013. Séances supplémentaires les 25 mars (salle du conseil A, bât. Le France, 190-198 ave de France 75013 Paris), 8 avril (salle 8, 105 bd Raspail), 22 avril (salle 1, bât. Le France) et 13 mai (salle 8, 105 bd Raspail).
À l’aube du XXIe siècle, terres et semences, deviennent des marchandises échangées à l’échelle mondiale, dont la production et la régulation sont affectées par des politiques agraires aussi bien nationales que mondiales. Dans le même temps, leur condition physique et leur matérialité constituent la base de toute pratique agricole et deviennent des enjeux de mobilisation politique dans un monde, qui se sent menacé par le changement climatique et le spectre de la faim. Ce séminaire s’intéressera aux visions du monde et du futur qui sous-tendent les pratiques quotidiennes de production agricole.
Il se penche autant sur les processus de standardisation et d’homogénéisation des pratiques de production que sur la différenciation des choix agricoles et sur les initiatives de valorisation et de réinvention du local, considérées comme un autre symptôme paradoxal de la globalisation. On s’intéressera autant aux dispositifs de marchandisation de l’agriculture et de l’alimentation (brevets sur les semences, accaparement des terres…), qu’aux mobilisations sociales et politiques, et aux filières de production et de commercialisation alternatives (circuits courts, luttes paysannes) qu’ils font émerger.
La réflexion théorique portera sur le rapport entre perceptions sensorielles, pratiques et visions du monde, en interrogeant l’impact des formes de commercialisation et de régulation, les configurations de mobilisation et de participation politique tout comme la vie des idées et des pratiques au quotidien. Les concepts émergeants de l’anthropologie de l’environnement seront alors enrichis par les débats qui dominent l’anthropologie politique et économique aujourd’hui.
Séance du 26 novembre 2012
Harriet Friedmann et Birgit Müller animeront une séance double sur le thème Scaling Up ? Les mobiles de l’engagements et de l’indifférences dans les luttes autour de la nourriture et l’agriculture au Canada. Dans cette séance nous allons analyser ensemble le paradoxe Canadien.
Autour des villes canadiennes émerge d’un côté un mouvement social créatif liant petits agriculteurs, consommateurs et administrateurs urbains autour de la qualité de vie et de la nourriture. De l’autre on assiste au démantèlement de la quasi intégralité des structures de régulations et de la protection de l’agriculture familiale céréalière sur les grandes plaines, de la pomme de terre à l’Est du Canada et du secteur d’élevage allant de pair avec une concentration phénoménale des exploitations agricoles et des multinationales vendant des entrants agricoles et commercialisant les produits.
Nous examinerons dans ce séminaire comment ses transformations sont gouvernées, et qu’est-ce qui motive les acteurs — agriculteurs, consommateurs et administrateurs. Pourquoi la politique du démantèlement est-elle accueillie avec indifférence et/ou passivité par la plupart des agriculteurs et consommateurs et pourquoi les mouvements autour de la nourriture et les circuits courts suscitent-ils des espoirs énormes ? Quel est leur potentiel de se généraliser (du scaling-up) et quelles sont les limites actuellement posées entre autre par les nouvelles structures de dérégulation et de rerégulation en faveur des entreprises multinationales tel que le Traité de Libre Commerce entre le Canada et l’Union européenne ?
Birgit Müller parlera en Français, Harriet Friedman en anglais. La discussion se déroulera en français.
Harriet Friedmann (PhD, Harvard) est professeure de sociologie, géographie et de la gestion territoriale à la Munk School of Global Affairs de l’Université de Toronto. Elle a publié sur l’agriculture familiale dans un contexte global ce qui l’a emmené à développer le concept de régimes alimentaires internationaux (avec Philip Mc Michael). Elle travaille actuellement sur les communautés de pratiques alimentaires, analysant les interstices dans le système alimentaire qui permettent de créer des réseaux régionaux créatifs et soutenables qu’elle appelle foodsheds. Elle a entre autres participé au rapport IAASTD (International Assessment of Agricultural Knowledge, Science and Technology) et est un membre actif du Toronto Food Policy Council. http://www.toronto.ca/health/tfpc/
Séance du 7 janvier 2013
Introduction : Agriculteurs : acteurs dans les mondes des pratiques et de la politique
À l’aube du XXIe siècle, terres et semences, deviennent des marchandises échangées à l’échelle mondiale, dont la production et la régulation sont affectées par des politiques agraires aussi bien nationales que mondiales. Dans le même temps, leur condition physique et leur matérialité constituent la base de toute pratique agricole et deviennent des enjeux de mobilisation politique dans un monde, qui se sent menacé par le changement climatique et le spectre de la faim.
Ce séminaire fera l’enseignement par la recherche au sens le plus stricte. Je présenterai cette année au fur et à mesure les chapitres de mon livre en cours de redaction.
Mon enquête multi-sites sur « nourritures, propriétés et pouvoirs » au sein de la FAO et chez les agriculteurs de la Saskatchewan et au Carazo (Nicaragua) lie la conception de politiques agricoles au niveau global avec les pratiques des agriculteurs au niveau local. Ce projet met en rapport la grande controverse au niveau mondiale, en particulier au sein de la FAO, sur les technologies agricoles nécessaires pour nourrir le monde, avec les logiques et pratiques quotidiennes des agriculteurs au Nicaragua et au Canada.
C’est au niveau fondamental des pratiques agricoles, des rapports à la terre et aux plantes semées que j’entame une comparaison entre agriculteurs dans des sites aussi divers que la Saskatchewan, un des centres de la biotechnologie, le Carazo où des paysans petits et moyens pratiquent l’agriculture de subsistance. J’analyse les relations des agriculteurs à la nature comme des relations politiques en observant comment ils travaillent la terre, parlent des mauvaises herbes, des semences et des techniques qu’ils utilisent. Jusqu’à quel point est-ce que les pratiques agricoles informent des visions du monde et les attitudes par rapport à la nature et jusqu’à quel point les discours idéologiques sur la compétition, innovation et le risque déterminent des choix de technologie et des pratiques agricoles. J’examine comment le rapport de l’agriculteur au sol, à la semence et au temps (dans les deux sens) communique avec les grands projets conçus au niveau mondial pour ‘combattre la faim dans le monde’.
Séance du 21 janvier 2013
Gouverner les agriculteurs / agricultures globalisés dans la FAO et le Conseil pour la sécurité alimentaire des Nations Unis
La question que je vais poursuivre dans cette séance est : quelles réalités matérielles est-ce que la gouvernance internationale s’apprête-elle de créer ? Quelles idées sur les pratiques agricoles la sous-tendent ? Comment les codes de conduites internationaux représentent-ils les agriculteurs / producteurs d’aliments et leurs pratiques ? Quel type de nourriture devraient-ils produire, comment devraient-ils travailler la terre ?
À partir de mes notes de terrain, des entretiens et des documents recueillis dans la FAO je vais analyser comment les normes officielles et les discours ambigus sont créés. Quelles visions du monde, quelles hypothèses sur son fonctionnement et sur les agriculteurs en tant qu’acteurs apparaissent dans les documents officiels, dans les commentaires informels des fonctionnaires et sur les sites internet ? J’essaierai d’explorer les processus institutionnels en mettant l’accent sur leurs objets concret tels que le glyphosate, la semence et l’azote.
Séance du 4 février
Les terrains et les méthodes : le Carazo et la Saskatchewan
Dans cette séance je discuterai les méthodes que j’ai utilisé pour faire du terrain auprès des agriculteurs de la Saskatchewan qui cultivent leurs champs avec des énormes machines agricoles et auprès des agriculteurs du Carazo qui cultivent leurs champs à l’aide d’un bâton fouisseur. Comment les conditions matérielles d’enquêtes influencent-elles les résultats obtenus ? Comment s’immerger dans ces deux terrains tout en gardant une perspective qui les englobe tous les deux.
Séance du 18 février
Séance 4 : Préparer la terre : intérêt immédiat et soucis pour le future
Dans cette séance je vais aborder le problème de prendre soin de la terre et le débat théorique et politique en cours comment préserver la Terre et ici concrètement, le sol (terres agricoles) pour les générations futures. Sur la base d’observations des pratiques agricoles au Canada et au Nicaragua j’analyserai d’une façon critique la thèse qui sous-tend la Convention sur la biodiversité que l’intérêt privé / la propriété privée et le soins pour la terre vont de pair. Comment les deux modèles identitaires proposés aux agriculteurs, celui de steward (dans le sens de gardien) et celui d’entrepreneur sont-elles discutées par les agriculteurs eux-mêmes et par les institutions qui tentent à influencer leurs pratiques ?
Dans les deux sites les terres agricoles sont extrêmement fragiles, sujettes à l’érosion (une grande partie de la couche fertile a été perdue au cours des 30 à 100 dernières années) et ce qui reste perd rapidement sa fertilité naturelle. Dans la Saskatchewan les agriculteurs biologiques et les agriculteurs utilisant les biotechnologies affirment qu’ils sont les vrais gardiens de la terre. Ils utilisent le même discours tout en utilisant différentes pratiques (semis direct avec les applications d’herbicides contre cultures biologiques à l’engrais verts). Au Carazo, en dépit du fait que l’étude des sols par les ONGs du développement et par le gouvernement se développe les méthodes de conservation des sols et de fertilisation naturelle n’ont pas été adoptées par la plupart des agriculteurs. Nous nous demandons alors qu’est-ce qui est réellement considéré comme important par les agriculteurs et dans quelle perspective temporaire ? Qu’est-ce qu’ils voient et perçoivent et qu’est-ce qu’ils éliminent de leur champ de perception et pour quelles raisons ?
Séance du 18 mars
Séance 5 : Le contrat et la dette
Je regarderai dans cette séance comment les agriculteurs essayent individuellement de faire leurs maths, de jouer le jeu du marché, tout en entrant volontairement par le biais des contrats - et j’inclus ici les contrats de crédit - dans le dispositif de la gouvernance néolibérale.
Dans ce chapitre, je voudrais analyser les contrats et la dette comme outils pour discipliner les agriculteurs et pour faire en sorte qu’ils se disciplinent eux-mêmes. Alors que les agriculteurs sont formellement propriétaires de leurs moyens de production, de la terre et des machines, et qu’ils se voient « comme leur propre patron », des contrats et la dette sont d’une part les véhicules par lesquels la plus-value qu’ils produisent est appropriée et de l’autre un véhicule pour leur conférer les habitudes de l’auto-évaluation qui leur fait apprécier leur exploitation agricole en termes de coûts et bénéfices. Ils sont alors censé de se juger eux-mêmes en tant que « entrepreneurs » et à envisager l’avenir de leurs exploitations en termes de croissance et d’accélération. Je vais regarder également des contrats que les producteurs biologiques concluent pour vendre leur récolte. Ils ont débuté en tant qu’auto-certification volontaire (une sorte de contrat moral avec les consommateurs d’aliments biologiques) et ont évolué vers toujours plus d’instruments de contrôles institutionnalisés et externalisé .
Au Canada, je vais regarder pourquoi et comment les agriculteurs passent des contrats de production, cherchent à obtenir des certifications, découvrent la pratique de la vente future et contractent des emprunts. Au Nicaragua, je vais regarder les différentes formes de programmes de développement destinés aux agriculteurs qui passent du don aux contrats et qui tendent à contraindre et à persuader les agriculteurs de contracter des dettes souvent en nature.
Discutant : Gerard Beaur
Séance du 25 mars
Séance 6 : Cultiver et gouverner la semence du Futur : l’auto-certification, traçabilité, confidentialité et propriété intellectuelle
Discutante : Elise Demeulenaere
Dans cette séance je parlerai de l’ouverture et la fermeture simultanée des systèmes d’enregistrement des variétés et de leur impact sur les agriculteurs Canadiens. Il y a actuellement un durcissement des régimes de propriété intellectuelle et en même temps un relâchement des mécanismes de contrôle de la qualité des semences. Ceci est le résultat d’un long processus politique impliquant des mécanismes de participation et de consultation que j’ai observé sur plusieurs années au Canada et que je revois au travail en Europe. Dans cette séance, je relierai les changements règlementaires avec ce qui se passe réellement dans le rapport de l’agriculteur aux semences et à la terre.
La séance du 8 avril est annulée, elle est reportée au 15 avril
Séance du 15 avril
Séance 7 : Semences, progrès et démocratie. Confrontation des idées et des pratiques au Nicaragua
Nous avons vu la dernière fois l’évolution des rapports de pouvoir dans le domaine agricole du champ de l’agriculteur jusqu’à la cour suprême au Canada à travers la régulation des semences. Dans la prochaine séance nous allons examiner ce que la semence, son usage et le cadre juridique qui l’entourent révèlent sur les rapports de pouvoir au Nicaragua. Comment la politique des semences au niveau national s’inscrit-elle dans des politiques globales cherchant à imposer des droits de propriété intellectuelle et à préserver la biodiversité ? Nous allons analyser le clair obscur juridique sur les semences, les controverses entre agriculteurs et administrateurs sur ce qui définit la qualité d’une semence et la pratique mouvementée de la sélection participative et des banques de semences dans deux villages au Nicaragua.
Séance du 22 avril - (salle 1, bât. Le France)
Séance 8 : Posséder et contrôler la fertilité la terre
Cette séance examine à travers les concepts de contrôle et d’aliénation comment les agriculteurs Nicaraguayens et Canadiens fertilisent la terre. En analysant aussi bien les discours publicitaires des grandes firmes agro-chimiques que les pratiques des agriculteurs je voudrais montrer comment l’usage des intrants chimiques crée à la fois l’impression d’un contrôle sur les forces de la nature et des liens de dépendance. Qui possède et contrôle la fécondité, si l’agriculteur achète des engrais chimiques sur crédit et développe une dépendance aux produits chimiques au delà de tout calcul économique rationnel ? Comment change la relation à la terre, la perception sensorielle de sa fertilité ?
Le travail de la terre sans engrais chimiques avec ou sans certification biologique exige un autre type d’attention au sol sinon les plantes ne poussent pas. Faire l’attention et prendre soin de la terre dans une perspective à long terme n’implique pas le même type de calcul économique, que celui promu par le conseil des consultants des fabricants des produits chimiques. Dans cette séance je voudrais analyser à travers les pratiques agricoles les controverses sociétaux plus larges sur l’efficacité énergétique et le changement climatique et les manières de calculer.
Mots-clés : Agriculture, Anthropologie, Biologie et société, Environnement, État et politiques publiques, Politique,
Aires culturelles : Amérique du Nord, Amérique du Sud, Contemporain (anthropologie du, monde), Europe, Transnational/transfrontières,
Intitulés généraux :
Centre : IIAC-LAIOS - Laboratoire d’anthropologie des institutions et organisations sociales
Renseignements : Lydie Pavili, tél. : 01 49 54 21 98.
Direction de travaux d’étudiants : sur rendez-vous.
Réception : sur rendez-vous auprès de Lydie Pavili, tél. : 01 49 54 21 98.
Site web : http://www.iiac.cnrs.fr/laios/spip.php?article206
Adresse(s) électronique(s) de contact : bmuller(at)msh-paris.fr