Benoit Hazard, chargé de recherche au CNRS ( IIAC )
Depuis l’essai pionnier de Marcel Mauss sur les variations saisonnières des Esquimaux, les interactions entre les sociétés et leurs environnements sont au cœur du projet de l’ethnographie et de la réflexion anthropologique. Dans la période récente, l’étude de ces mêmes activités a mis à jour de nouveaux objets liés à l’émergence d’un référentiel environnemental dans les politiques publiques et qui se caractérisent par la complexité des interactions qu’ils mettent en jeu entre des phénomènes relevant de disciplines différentes et nécessitant des approches et des méthodes innovantes. « Décroissance », « croissance verte », « finitude et épuisement des ressources », « accaparement » ou « durabilité », « climat », « transition énergétique », sont autant de termes qui esquissent l’espace des débats, des controverses scientifiques et des terrains d’une ethnographie des situations critiques dans lesquels les anthropologues sont appelés à se mouvoir.
L’anthropocène, nouvelle ère géologique caractérisée par la puissance des facteurs anthropogéniques à agir sur le devenir du système terre, illustre la place prise par les débats environnementaux et par les sciences de la terre dans les discours et les pratiques scientifiques. Cette thèse inédite, sorte d’injonction posée aux sciences humaines de construire des réponses pour faire face aux changements socio écologiques, réinterroge les relations entre l’homme et ses productions de la nature ? Comment l’anthropologie, discipline qui interroge à la fois les structures et les ruptures, se positionne face à cette thèse qui pense les passages historiques à l’échelle temporelle des évolutions du système terre et dont les effets sont durables pour le devenir, non seulement des sociétés humaines, mais plus largement des socio systèmes ? N’y-a-t-il pas là une aporie propre à un semblant d’interdisciplinarité ?
Pour la cinquième année de cet atelier, nous poursuivrons l’étude des interactions complexes qui se jouent dans les thèses de l’anthropocène. L’atelier explore les travaux qui, d’une part, placent l’environnement (biodiversité, patrimonialisation de la nature, ruralités, pollutions industrielles) au cœur de la recherche en sciences sociales et qui, d’autre part, re-territorialisent l’anthropocène. Un accent particulier sera mis cette année à la relecture des rapports entre marxisme et écologie politique. En 2017-2018, il fonctionnera en alternant enseignements théoriques et une enquete collective de terrain initiée en 2016 sur la ville de Pierrefitte sur Seine. Dans premier temps, l’atelier fonctionne comme un atelier de lecture de textes traitant des paradigmes disponibles pour penser les dynamiques socio écologiques, des concepts (des paysages, écosystèmes, etc.). Dans un second temps, il réinterroge cette thèse à partir de la possibilité d’en faire une ethnographie, autrement dit les anthropo-scènes de l’anthropocène.
Abstract
Historically, anthropology refers to the study of human activities, i.e. as a mirror of interactions between societies and their environment. In the recent past, research on human activities have enlightened new objects that are strongly linked with the “mainstreaming” of an « environmental repository » in public policies and are characterized by the complexity of interactions. Globalization, limits of growth, scarcity of resources, climate change are drawing new spaces for scientific debate and controversies as well as fields for a new ethnography of critical situations. As new geological era reflecting the influence of humans on the Earth system, or “man as the main geological force of the Earth system”, the anthropocene would have started with the industrial revolution of the eighteenth century and would succeed to the era of the Holocene. As such, the Anthropocene illustrates the role played by the environmental debate and the earth sciences in scientific discourse and practices. This uncommon thesis, as an injunction to humanities to cope with future socio-ecologies, re-examines how man has for long produced nature. To account for the complex interactions that interplay in the Anthropocene and to suggest that they do not turn the anthropologist to an anecdotal chronicler, the workshop explores anthropological research that have for long discussed environmental topics (biodiversity, patrimonialisation of nature, industrial pollution…). To frame the debates and challenges due to the thesis of the Anthropocene, the workshop will present many scenes of anthropology by reading of texts and by making exercises in relation with dynamic socio ecological landscapes and ecosystems. It will show the need to combine interdisciplinary approaches with a detailed ethnographic survey and try to show how this context renews the relationship between anthropology and archeology of the Holocene.
In connection with the European research network REAL (Resilient pasts and adaptation of East African Landscape in temporal, spatial and social perspectives, Initial Training Program, Marie Curie), the workshop focuses on anthropological and arachaeological studies located in Africa.