Sergio Dalla-Bernardina, professeur à l’Université de Bretagne Occidentale ( IIAC-CEM )
Soucieuse de ne pas sur-interpréter et de ne pas projeter sur autrui les valeurs de l’Occident, l’anthropologie contemporaine cherche à connaître les manières singulières, propres aux différentes cultures, de penser les relations entre les humains et les non-humains. Dans ce but, elle s’intéresse aux représentations collectives, aux mythes, aux commentaires officiels définissant les conditions idéales d’échange avec les autres espèces. Là où un observateur candide et ethnocentriste verrait un fait « universel », l’observateur éclairé saisit des significations plus profondes : le combat de coqs à Bali, par exemple, au-delà de ses implications sanglantes, devient une « forme artistique » et « la réflexion d’une société sur elle même ». La chasse au sanglier dans les Cévennes, en dépit de son issue fatale pour le partenaire animal, devient « un jeu avec l’animal ». La chasse au pécari dans la forêt amazonienne est moins une traque qu’une drague (c’est la proie elle même, séduite par les charmes du chasseur, qui s’offre à lui). Ces lectures respectueuses de la doxa indigène nous rappellent la pluralité des conceptions du monde. Elle risquent néanmoins de laisser dans l’ombre les motivations « officieuses », inavouables ou tout simplement « inaudibles » de l’activité prédatrice et des autres formes de « prélèvement » de la vie animale.
Le séminaire porte sur ces motivations officieuses. Nous nous pencherons sur le discours orthodoxe, conventionnel, entourant la « bonne mort » des animaux. Mais nous nous interrogerons aussi sur les gratifications éventuelles associées à l’expérience plus ou moins directe, plus ou moins ritualisée, de leur poursuite et de leur abattage. L’accent sera mis sur le potentiel métaphorique de la prédation interspécifique, une dynamique « naturelle » permettant de représenter, justifier et parfois même savourer, en jouant sur l’analogie, le spectacle de la prédation au sein de notre espèce.