Yolinliztli Perez Hernandez, doctorante à l’EHESS ( IIAC-LAIOS )
Julio Andrés Camarillo Quesada (doctorant à l’Université Paris-Diderot, au LCSP, Philosophie politique), Juan José Carrillo Nieto (doctorant à l’Université Panthéon-Sorbonne, au Laboratoire Mondes américains, Histoire) et Diego Lobo Montoya (doctorant à l’Université Paris-Diderot, à URMIS) participent à l’animation de cet atelier.
Notre séminaire veut repérer, à travers plusieurs textes, l’émergence et la généralisation d’un vocabulaire politique relativement nouveau – l’auto-gestion, l’autonomie, l’identité ou les sociétés inter-/multi-/pluri-culturelles et pluri-nationales –, vocabulaire qui s’est développé à partir des années 1970 à côté des luttes des peuples autochtones, indigènes ou tribaux du continent américain pour la reconnaissance des droits culturels, et qui est au coeur de la reformulation des États-nations panaméricains d’aujourd’hui. Malgré la puissance de ces luttes et de leurs discours, on est bien averti que cette reformulation s’est accompagnée souvent d’une politique économique libérale très agressive, soit par affinité, compatibilité, ruse, ou par une faiblesse propre à la conceptualisation de ces résistances.
Tout en considérant les luttes et leur absorption par une logique libérale, l’axe de notre approche est une critique élargie du capital, qui considère non seulement les déterminations économiques et l’histoire militaire de son expansion, mais aussi la production d’une subjectivité conforme (signes, vocabulaire, savoirs, pouvoirs). Le capitalisme nous apparaît alors comme une énorme entreprise mondiale de subjectivation (Deleuze & Guattari, 1980), qui s’est occupée tout d’abord d’élever une population mondiale apte au travail. Suite à ce point de départ, il s’agirait de mettre à l’épreuve l’hypothèse d’une rupture subjective repérable dans le vocabulaire politique précédemment évoqué, et entendue comme un changement stratégique dans la production de subjectivité, englobant dorénavant les peuples “mineurs”.
L’anthropologie comme discipline se trouve concernée par et dans cette rupture, aussi d’ordre épistémologique ; voilà pourquoi le champion de l’indigénisme officiel au Mexique, Aguirre Beltrán, pointe au tournant des années 1970 une "crise générale des sciences sociales". Il se rapporte ainsi aux nombreux débats surgis au sein de cette discipline à vocation cosmopolite, dont celui introduit par Robert Jaulin (1970) en France autour du lien entre le colonialisme et l’anthropologie ; dorénavant, celle-ci va souvent se vouloir dé-colonisatrice. Après des siècles d’invisibilité, l’Heure du Barbare – dit Adolfo Colombres (1982) – est venue. Mais sous quelle forme et dans quelles conditions ?