Résumé
Avec une approche pragmatique considérant les émotions dans leurs dimensions politique et performative, la thèse – fondée sur des matériaux historiques et un terrain immersif dans une cité-jardin moscovite classée, soumise à des logiques spéculatives exacerbées, et dont les habitants se sont constitués en autogestion politique – décrit l’art de savoir vivre avec son temps dans la Russie des années 1990-2000. Pour cela, elle déploie le temps lui-même : faillé, accéléré, suspendu ; syncrétique, hétérogène, polymorphe. Et explicite ce que le temps fait à l’espace – et ce que l’espace fait au temps. Elle examine, notamment, la fabrique performative de la communauté et du localisme ; la brutalité du changement, ce que l’argent fait au temps, mais aussi ce que le temps fait à l’argent et à son hyper-puissance du moment ; les débats politiques du micro au macro, les anciennes et nouvelles valeurs et leur valeur pratique et morale à l’aune du présent et de ses avenirs, de ses passés, de ses avenirs d’antan ; comment la présence des absences – des morts de la Grande Guerre Patriotique, des acteurs et des victimes des répressions – (dé)structurent les rapports sociaux, et comment on les organise socialement ; les scansions du rythme effréné et perpétuellement catastrophiste de la société globale ; l’In-fini de l’instant. Ce travail défend la monographie comme méthode et comme genre : accès à des niveaux de réel autrement inatteignables ; non-renoncement au surcroît d’intelligibilité offert par la posture holiste, laquelle permet de montrer les processus d’action/rétroaction des enjeux de différents domaines de la vie sociale saisie dans la pluralité croisée de ses dynamiques.
Sous la direction de Marc Abélès.
Soutenue en 2013
à Paris, EHESS