résumé
La thèse a pour objectif de décrire et d’analyser, de manière ethnographique, à partir des pratiques et de diverses relations de soin (care), l’agentivité (agency) des femmes en milieu rural. L’étude se fonde sur l’analyse d’un travail de terrain ethnographique, effectué entre 2014 et 2017, dans un district rural de la province de Buenos Aires qui s’organise autour de la culture et de la commercialisation du soja. Durant ce travail de terrain, j’ai observé et travaillé avec les coordinatrices et les participantes de trois espaces d’intervention sociale différents : un groupe de théâtre communautaire (comunitario), un groupe de médecine comunitaria et un groupe de promotion de l’horticulture familiale agro-écologique. La perspective théorique de ce travail s’inspire de, mais aussi nuance et diversifie les études féministes du care et dialogue avec certaines théories sociales relatives à l’agentivité humaine. Dans la province de Buenos Aires, la vie professionnelle, économique et domestique a été directement impactée par le modèle de sojización. Cette nouvelle dynamique de production a entraîné une transformation de l’agentivité des femmes. De même, le développement d’espaces communautaires (comunitarios) sur lesquels repose le travail de terrain ethnographique de cette thèse, influence la capacité d’agir de ces femmes, en promouvant une politique dissidente des femmes et en contribuant à leur constitution en tant que sujets politiques. On a pu constater que ce sont principalement les femmes –qui s’occupent de leurs filles et de leurs fils, des personnes des quartiers (barrios), de l’environnement, et d’elles-mêmes– qui franchissent les limites de la « discrétion » et, comme elles le disent elles-mêmes, « n’ont plus honte” » de proposer des répertoires moraux alternatifs pour transformer la vie de la communauté. Fruit d’une rencontre heuristique avec des théories émiques, fondé sur une ethnographie fine, ce travail ouvre une discussion d’une part avec les propositions informées par les « regards métropolitano-centriques » et de l’autre, avec celles résultant des désirs académiques ou politiques des féminismes euro-centrés. En dialogue avec le féminisme postcolonial, il invite à penser l’agentivité et la politicité des femmes-mères-soignantes (mujeres-madres-cuidadoras) dans des univers ruraux, à partir de perspectives socio-anthropologiques, historiques et situées. À l’époque où le féminisme et les inégalités de genre sont placées à l’agenda des politiques, cette thèse se présente à l’encontre des sens communs et universitaires qui soutiennent que le care –sous toutes ses formes– ôterait seulement des possibilités aux femmes. Au contraire, à partir d’une vision dichotomique des relations de genre, ce travail soutient que certaines caractéristiques attribuées aux femmes, et relatives au soin/care, alimentent l´agentivité de ces femmes et constituent leur source de potentiel pouvoir. Elles leur permettent de devenir « dissidentes » étant généralement perçues comme des personnes « qui prennent soin », « qui ne font que de bêtises » et « qui ne sont pas dangereuses ». Se construit ainsi une division sexuelle de la participation et du travail social et moral, les femmes étant celles qui peuvent rendre leur critique publique, avec un risque social moindre que pour les hommes.
Jury
Mme Irène Bellier (Directrice de thèse), CNRS
M. Alejandro Grimson (Directeur de thèse), IDAES, UNSAM, Buenos Aires (Argentine)
M. Esteban Buch, EHESS
Mme Rosalva Aida Hernandez Castillo, CIESAS (Mexico)
M. Gabriel Noel, IDAES, UNSAM Buenos Aires (Argentine)
Mme Deborah Puccio-Den, CNRS
Mme Carolina Spataro, UBA (Argentine)