Résumé :
La station balnéaire de Lloret de Mar reçoit chaque été des milliers de jeunes Européen.ne.s attiré.e.s par son offre festive : bars, discothèques, maisons de passe. Le tourisme festif porte un imaginaire de plage, d’excès d’alcool et de promesses de relations hétérosexuelles. Le titre de la thèse « Là où vont les garçons » – adaptation de celui du best-seller qui a lancé le Springbreak américain, modèle du tourisme festif européen – fait ressortir deux éléments clés définissant les adeptes de cette pratique vacancière : ils sont jeunes et majoritairement de sexe masculin. La station est un lieu d’homosocialité, où l’on se rend entre hommes hétérosexuels dans le but d’avoir des relations sexuelles avec des femmes : à ce titre, elle s’est révélée un terrain privilégié d’étude des différentes masculinités au sein du système de masculinité hégémonique (Connell, 1995) et a permis de s’interroger : la confrontation de différentes masculinités dans un contexte hétérotopique constitue-t-elle un facteur de déstabilisation des rôles de genre ?
Peu de destinations ou pratiques touristiques sont aussi polarisantes : à la fois objets de désir et figures repoussoir, provoquant engouement massif ou répulsion. Les mœurs festives et touristiques des stations balnéaires espagnoles étaient des instruments de propagande sous Franco (Pack, 2009) et ont accompagné l’intégration culturelle du pays à l’Europe. De façon a priori paradoxale, dans l’Espagne démocratique contemporaine, elles sont dépréciées et renvoient le lieu à une certaine marginalité. Ainsi, au-delà des questions économiques, le modèle touristique pose des problèmes identitaires et affectifs. La lutte contre le tourisme dit localement de borrachera (de beuverie) a amené une cristallisation entre « habitants victimes » et « touristes irrespectueux » dans les discours médiatiques, politiques mais aussi quotidiens. La vision dominante oublie l’hétérogénéité interne aux groupes (tous les habitants ne sont pas opposés au tourisme), nie la qualité de sujet aux jeunes touristes (pensés comme une foule stupide et incontrôlable) et laisse de côté certains acteurs pourtant essentiels (les Tour-Opérateurs et les travailleur.se.s saisonnier.e.s ne sont tout simplement pas pris en compte). L’utilisation du concept d’économies morales (Fassin, 2009) ainsi que celui d’hétérotopie (Foucault, 1966) permettent d’analyser l’articulation entre discours, affects, représentations et pratiques de ces différent.e.s acteur.rice.s.
Que dit l’expérience touristique, sexuelle et affective des jeunes acteurs et actrices du tourisme festif sur le dispositif affectif et sexuel et sur la construction de la jeunesse ? Comment se positionnent les différent.e.s acteur.rice.s d’une destination type « tourisme de masse » dans un monde où le « bon tourisme » (Picard, 1992) est censé être un voyage culturel, solidaire et durable ?
visioconférence le mercredi 9 décembre 2020, à 14h.
Le jury est composé de :
Irène Bellier, Directrice de Recherche au CNRS (LAIOS-IIAC) : directrice de thèse.
Saskia Cousin, Maitresse de Conférence à l’Université de Paris (CESSMA) : co-directrice de thèse.
Laurence Hérault, Professeure à l’Université Aix-Marseille (Idemec) : pré-rapporteure.
Sébastien Roux, Chargé de Recherche CNRS (LISST) : pré-rapporteur.
Isabelle Clair, Chargée de Recherche CNRS (Iris).
Boris-Mathieu Petric, Directeur de Recherche CNRS (CNE).