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Colloque IIAC - MONDES EN RUPTURE, MONDES INVENTIFS

par Chrystèle Guilloteau - publié le

du 3 février 2021 à 14h au 5 février 2021 à 19h

Mercredi 3 février 2021 – après-midi

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1. Antropo-scènes

14h00 - Riccardo Ciavolella : Le vide et le plein, la trace et les nœuds. Ce qui tient le monde, avant son effondrement

Une intervention centrée sur les modes de résilience (ou pas) des villages et quartiers urbains lacustres et lagunaires du sud Bénin face à leurs multiples « vulnérabilités » et au risque d’effondrement. Mes ethnographies se fondent de manière inductive et expérimentale sur le suivi de certains objets, substances, éléments ou forces. Je m’appuierai également sur les matériaux d’une exposition que j’ai montée à la Fondation Zinsou sur la représentation coloniale de ces espaces et sur des films ethnographiques que je suis en train de préparer, tout comme sur des articles publiés ou en cours autour de la question de « l’effondrement » telle qu’elle se pose pour des villages et des quartiers précaires bâtis sur pilotis aux marges de la globalisation et au cœur de l’anthropocène.

14h25 - Benoit Hazard : Après les démocraties "carbonées" : figures de l’humain et subjectivités politiques émergentes

Avec l’irruption de l’anthropocène, comme nouveau "grand récit" de l’histoire, la fin programmée des "démocraties de carbones" semblent s’accompagner d’une mise sous cloche des systèmes démocratiques, ou de leurs simulacres, et de l’émergence de régimes politiques autoritaires. Cette métamorphose s’accompagne d’une reconfiguration de l’anthropos, c’est-à-dire d’un mode de catégorisation du monde et de ses éléments de nature à partir duquel il s’agit moins d’élargir l’anthropos dans un cosmopolitisme de la nature que de redéfinir les figures ou les frontières de l’humain. Cette communication propose d’illustrer cette thèse à partir de situations de conflits et de mouvements sociaux récents empruntés à mes travaux ethnographiques (Kenya, gilets jaunes, invisibles du covid 19), qui témoignent de subjectivités politiques émergentes, en ce sens qu’elles mettent en lumière le rôle central de l’énergie dans la configuration des relations sociales et politiques de nos sociétés.

14h50 Opening comments (Fabien Colombo et Steve Lazzaris)

15h05 - Pierre Antoine Chardel : Données environnementales et régimes d’attention dans la crise écologique. Enjeux herméneutiques, éthiques et esthétiques

L’attention à ce qui est commun se construit, elle ne se décrète pas mais s’organise de manière sensible. Il convient donc d’identifier des leviers d’action pour générer des expériences herméneutiques ciblées face au volume des données et d’informations scientifiques qui sont à notre disposition concernant nos environnements naturels et leur dégradation. Or en sachant qu’il n’y a pas d’équivalence directe entre données et sens, car il faut pouvoir disposer de cadres aussi situés que possible afin de « convertir des données en sens » (Dominique Boullier), les données recueillies alliées à des expériences immersives et artistiques peuvent devenir la source d’une connaissance plus fine et sensible de certains environnements. En vue de permettre des dynamiques d’engagement commun, il apparaît même crucial que certaines données scientifiques soient mieux connues des individus, autant pour soutenir des actions publiques significatives que pour produire des changements durables de comportement à l’échelle collective. Compte tenu des « barrières idéologiques » (Peter Kemp) qui bloquent encore souvent la voie de la sensibilisation aux problèmes écologiques, en rendant de ce fait difficile de nouvelles pratiques sociales, politiques et technologiques, un enjeu éthique de premier ordre consiste à souligner que certaines expériences sensibles et créatives, sont tout aussi importantes que l’accès à des données scientifiques.


15h30 - Noel Barbe : La littérature lieu d’expérimentation démocratique et anticapitaliste

Dans des expériences de résistance au capitalisme, il arrive parfois que la littérature tienne position. Les relations tissées entre Alain Damasio et la zad de nddl en sont un exemple récent et visible. « La zad est une joie qui est appelée à durer/Un peu d’herbe qui perce une chape de béton coulée sur nos soifs de confort/La possibilité d’une brèche, d’une flèche. » écrit et dit ce dernier dans notre-âme-des-landes. Ou encore sa postface à l’une des bandes dessinées de Alessandro Pignocchi, l’une des modalités de constitution d’une l’anthropologie descolienne en réservoir d’expériences humaines mobilisables pour d’autres mondes à venir, ou plutôt des « imaginaires en cours ».
Avec mais au-delà d’un tel cas de relation directe, il s’agirait ici d’explorer différentes modalités par lesquelles la littérature prend/tient position dans de telles expériences de résistance, comment elle y esquisse, dans des situations et personnages épistémologiques, des perspectives existentielles, des gestes de déprise et d’échappée, des lignes de démarcation ou encore des manières de recomposition d’une force.

15h55 - Sergio Della Bernardina « Sens manifeste et sens latent ». À propos de l’intérêt de l’art contemporain pour les « non-humains ».

La première partie de mon intervention portera sur l’engouement des artistes contemporains pour les sujets ayant trait à la crise environnementale et à la condition animale. Je mettrai l’accent sur un aspect central du discours ambiant : la convergence de l’éthique et de l’esthétique dans un sorte de dépassement des catégories (le message écologico-animalitaire se veut « beau » et « moral » à la fois). Dans la deuxième partie, qui est plutôt d’ordre épistémologique, je m’interrogerai sur la légitimité d’un regard remettant en cause l’interprétation proposée par les acteurs sociaux, à savoir par les artistes et leur public.

16h20 Opening comments (Fabien Colombo et Steve Lazzaris)

16h30 -17h30 : discussion générale

Jeudi 4 février 2021 - matin
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2 . Reconfigurations des imaginaires capitalistes

9h30 - Lynda Dematteo : Le retournement utopie/dystopie dans l’imaginaire du capitalisme contemporain

J’ai analysé l’Expo de Milan comme une utopie capitaliste, c’est-à-dire un événement qui contribue à donner forme au monde dans lequel nous évoluons. Ce fut un succès si nous nous basons sur le nombre de visiteurs et il est impossible de l’ignorer. Cependant, l’Expo fut aussi vivement critiquée et contestée comme beaucoup d’expositions universelles avant 2015. Ce simulacre global est en effet intrinsèquement violent. J’interrogerai cette violence et le retournement de l’utopie capitaliste en dystopie dans la période post-COVID.

9h55 - Valérie Charolles : La scène économique : l’enjeu d’une distinction entre libéralisme et capitalisme pour la politique.

Le rôle dominant joué par l’économie dans le contemporain aboutit à une situation dans laquelle la "vérité" des marchés s’oppose, et s’impose, le plus souvent au choix politique. Or, nous ne savons même pas nommer précisément le système économique dans lequel nous vivons, utilisant indifféremment les termes de "libéralisme" et de "capitalisme" pour le désigner : nous sommes persuadés de vivre la victoire du libéralisme alors que le capitalisme qui nous gouverne est en contradiction avec la théorie libérale, telle qu’elle se donne à lire par exemple dans son ouvrage fondateur, La Richesse des Nations d’Adam Smith. Faire émerger les différentes strates de la "scène économique" (à savoir les pratiques, les règles, les théories et les discours) offre un moyen d’élucider ces contradictions et d’ouvrir de nouveaux horizons pour l’économique et le politique.

10h20 - Guillaume Alevêque : Faire advenir l’IA , Projection de l’innovation technologique dans les expériences scientifiques.

Une des conséquences épistémologiques les plus saillantes de la recherche en Intelligence artificielle est l’émergence de problématiques proprement sociales au sein de la techno-science. Le projet postdoctoral dans lequel je suis actuellement engagé s’intéresse ainsi à la manière dont les scientifiques cherchent à anticiper par l’expérience, les effets des innovations numériques sur la société. L’enquête en cours a été précédée d’une recherche historique portant sur l’interaction humain-machine en traitement du langage naturel. Mon intervention portera en particulier sur la technique d’expérimentation dite du « Magicien d’Oz » où le chercheur interagit avec un sujet en jouant le rôle d’un programme informatique. Cette expérience matérialise ainsi l’IA comme une innovation en devenir dont on projette l’existence.

10h45 - Agnès Callu « De l’œil à la main : pour une génétique contemporaine des œuvres »

Cette communication entend non seulement désigner, qualifier, identifier le processus de création dans l’art contemporain mais encore, adossée à un corpus d’œuvres, mettre en perspective la méthode du théoricien de l’art qui s’engage à arpenter « les sentiers de la création » d’une œuvre pour, pointant accidents, remords et repentirs, tracer la sociogénèse d’un travail créateur lequel est traversé par les injonctions contradictoires du Politique autant que la doxa univoque avancée par les politiques publiques.

11h10 Opening comments (Lucie Conjard et Martin Roy)

11h 25-12h30 discussion générale


Jeudi 4 février 2021 – après-midi

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3. Pratiques démocratiques à l’épreuve

14h00 - Hadrien Saiag : L’histoire des monnaies locales en Argentine autour de la question de la démocratisation de l’ordre monétaire.

Je souhaite pour ce colloque discuter des voies possibles de démocratisation de l’institution monétaire, à partir d’une analyse d’un ensemble de monnaies locales qui ont eu cours en Argentine durant les années 1990 et 2000, connues sous le nom de trueque. Pour cela, je reviendrai sur un article publié en 2013 dans la RFSE, à partir de documents d’archives recueillis depuis sur le terrain, mais non encore analysés. Cet article a porté une attention particulière sur un réseau de trueque dénommé RGT puis RTS, en en soulignant deux points.
Ce réseau donne à voir un mode singulier d’émission monétaire que l’on peut qualifier de « fédéralisme monétaire », car il allie unicité du système de compte et diversité des émetteurs de moyens de paiement. En effet, ce réseau était constitué de plusieurs zones, qui coordonnaient leurs actions par le biais d’une commission dite « Interzonale » : chaque zone émettait sa propre monnaie, conformément au cadre défini par la Commission Interzonale, ce qui permettait aux monnaies émises par chaque zone d’être acceptée sur l’ensemble du réseau. J’ai également souligné que les modalités d’émission monétaires devaient être analysées conjointement à la constitution de micro-communautés politiques, en soulevant la question de la confiance éthique, lors de la crise du trueque (2002).

14h25 - Gianfranco Rebucini : Trouble dans la parenté. Solidarités, entre-aide et écologie politique en milieu queer urbain

L’analyse des solidarités nouvelles en milieu urbain des groupes politiques queer permet de réfléchir à la fois sur les formes de mobilisation politique (solidarités, entre-aide, action directe) et sur la production de nouvelles formes de parenté (agencement des amours et des sexualités) qui vise a structurer des formes alternatives de société. L’analyse proposée se fera en dialogue avec l’écologie politique de Donna Haraway.

14h50 - Roberta Shapiro : Entre société de cour et idéal républicain : le hip-hop à l’Opéra

Les Indes galantes, un opéra de Jean-Philippe Rameau créé en 1735, rencontra récemment, sur la scène de l’Opéra Bastille, "l’un des succès publics les plus foudroyants jamais rêvés par un metteur en scène" (Le Monde, 27 sept 2019). Il le dut notamment à la contribution d’une troupe de danseurs hip-hop, menée par Bintou Dembélé, originaire d’une banlieue populaire, et première chorégraphe noire à être engagée à l’Opéra de Paris. Cette production prit le public par surprise, mais de fait, les interdépendances entre monde hip-hop et establishment théâtral et musical, notamment l’opéra, ont déjà une longue histoire, dont on peut faire la chronologie. Des danseurs hip-hop, enfants d’ouvriers arabes et africains pour la plupart, investissent l’opéra (spectacle) et l’Opéra (espace et institution), depuis 1990 environ, à l’époque où le hip-hop se constituait en un genre choréique autonome. A partir des données de terrain, je montrerai comment, pour les hip-hoppeurs français, opéra est le signifiant paradoxal des deux courants historiques qu’ils ont reçu en héritage : l’éducation populaire, un projet républicain, égalitaire, d’une part ; la danse, un projet artistique et de distinction, d’autre part, venue de la société de cour. Avec, en arrière-plan, l’utopie américaine. C’est tout un entrelacs de significations qui s’exprime dans ces expériences, à la fois artistiques et compétitives, unificatrices et disjonctives, alors qu’en tant que descendants d’immigrés et/ou d’ouvriers la plupart d’entre eux ne cessent de se voir sommés de se définir et de se justifier.

15h15 - Catherine Neveu : Enjeux politiques et de la pensée de la démocratie (et de la citoyenneté) dans les centres sociaux

Il s’agira de présenter des éléments issus entre autres d’une recherche collective récente sur la visée du « développement du pouvoir d’agir » des habitant.es portée depuis quelques années par le réseau des centres sociaux. En mettant en lumière les représentations dominantes de la démocratie et de la citoyenneté dans celui-ci, on analysera comment ces représentations, malgré leur horizon de politisation (des acteur.trices et des actions) rentrent clairement en tension avec le dit pouvoir d’agir ».


15h40 Opening comments (Flavia de Faria et Zineb El Gharbi)

15h55-17h00 discussion générale

Vendredi 5 février 2021 – matin
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4. Devenirs et après-coup révolutionnaires

9h30 - Giordana Charuty : Création et folie au temps des « utopies radieuses »

Telle qu’elle s’écrit aujourd’hui, l’histoire de l’invention et des transformations de l’ « art des fous » emprunte deux voies : dans les années 1920, la sortie de l’espace asilaire à l’initiative de quelques médecins et d’artistes des avant-gardes ; à partir des années 1950, le redéploiement parallèle en deux catégories instables : l’« art brut » et l’ « expression psychopathologique ». Or, dans les mêmes années 1920, une voie inverse est expérimentée dans la jeune Russie soviétique : faire entrer les savoirs cliniques parmi toutes les disciplines convoquées pour repenser une « science de l’art ». Le recours aux activités artistiques pour « humaniser » la vie asilaire a accompagné, en Russie comme ailleurs, chaque moment de réforme et, a nourri, en retour, une double interrogation : d’ordre psychopathologique à des fins diagnostiques ; d’ordre esthétique, sur les sources de la fonction d’expression et de figuration. Mais ce n’est qu’en observant travailler le collectif que le psychiatre Pavel Karpov anime, entre 1923 et 1929, au sein de l’Académie russe des sciences de l’art que l’on peut mesurer la nouveauté de la voie qui s’est cherchée durant quelques années, à l’abri d’une étonnante institution, en voulant faire de l’expérience de la folie le lieu de mise à nu des composantes psychiques du faire créateur.


9h55 - Pierre Bouvier : Tirailleurs Sénégalais

À la fin des années 1960, au tournant de la décolonisation les soleils des indépendances commencent à s’estomper. Les victoires manifestées subissent les contre coups des parcours de divers leaders et des choix exprimés par les populations en termes de perspectives sociales. Au Sénégal et plus largement en Afrique francophone les tirailleurs engagés de longue date dans les troupes métropolitaines doivent à la fin des échanges guerriers choisir leurs lendemains. Des stratégies s’affrontent dans et après les actes d’indépendance. Diverses options sont retenues : la volonté de ne pas quitter le giron métropolitain et ses encadrements formés à dessein, de tendre vers une indépendance maintenue mais assouplie ou de tenter des voies moins attendues et plus virulentes. D’Houphouët-Boigny à Senghor et à Sékou Touré ces après-coups ouvrent aux tirailleurs des enjeux et des devenirs que les circonstances historiques façonnent : rester militaire, redevenir civil, s’engager dans l’opposition radicale… les contingences dessinent des trajectoires à multiples facteurs.

10h20 - Mélanie Henry : Désordre et traces : passés morts et vifs de la révolution, de l’Égypte de Sadate à 2011

Cherchant à documenter l’expérience de la rupture révolutionnaire, j’ai collecté un certain nombre de témoignages et de récits du soulèvement populaire de janvier 1977 auprès de militants de gauche égyptiens, pendant la période insurrectionnelle ouverte le 25 janvier 2011. Un style global fort empreint de « textualisme » se dégage de ces récits souvent oraux : ils miment la régularité du texte écrit, dans un style plutôt journalistique et offrent des gages de fiabilité. J’ai été particulièrement captivée par des récits et éléments de récit en rupture avec ce style « textualiste », porteurs d’un certain désordre dans leur morphologie que j’analyse comme analogue au désordre révolutionnaire. Je présenterai les récits d’un témoin de l’enquête relevant à mon sens d’un « mode épique » qui, rendant sensible une vie concrète dans l’insurrection, en restituent une dimension intempestive.

10h45 Opening comments (Felipe Fernandes, Kedma Louis, Sonia Taleb et Egoitz Urrutikoetxea)

11h-12h discussion générale


Vendredi 5 février 2021 – après-midi

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14h00 - Sophie Wahnich : Faire une cité dans l’après coup de l’effroi 1794/ l’aujourd’hui

« Ceux qui survivent aux grands crimes sont condamnés à les réparer » déclare Saint-Just le 26 germinal an II, il parle également de révolution glacée, d’une ardeur à retrouver. Cette communication explorera le sens de cette glaciation comme des propositions faites en 1794 pour retrouver l’ardeur vivifiante, et en regard, nos moments de terreurs contemporaines, depuis 2001, mais aussi 2015, et 2019-2020. dans les deux cas fleurissent des expressions obligatoires des sentiments orchestrées par des politiques publiques. Mais sont-elles compatibles avec le libre arbitre propre à l’homme démocratique ? Lorsque l’émotion est mise en œuvre dans des politiques de transmission de valeurs, est ce au profit de la « mémoire barrée du fait que la politique est par soi conflit » ou est-ce pour aider à assumer cette conflictualité politique ? Historiquement et anthropologiquement, y a-t-il effectivement des faits qui, pour permettre cette conflictualité, sont choisis comme limites ultimes de l’espace de débat, doivent être soustraits du débat ? Est-ce cette soustraction qu’on appelle « sacralisation » ?

14h25 - Julie Métais : l’après-coup de la « Commune » de Oaxaca (Mexique)

J’ai initié en 2009 une enquête ethnographique sur le travail politique des enseignants dans la région de Oaxaca au Mexique, trois ans après un épisode révolutionnaire local durant lequel ces derniers (les enseignants) avaient joué un rôle clé d’animation et de mobilisation.
Plus de six mois durant, en 2006, ce qui a parfois été nommé la « Commune de Oaxaca » a rudement mis à l’épreuve institutions locales et nationales via l’occupation du centre-ville et de sites stratégiques de la capitale de l’État fédéré, la mise en place de nombreuses barricades et de gigantesques manifestations ralliant une grande partie de la société locale – en premier lieu afin de renverser un gouvernement local autoritaire et violent et décréter la « disparition des pouvoirs ».
Cet événement insurrectionnel, durement réprimé, qui a pris la forme d’une assemblée (l’Assemblée populaire des peuples de Oaxaca – APPO), a habité mon enquête menée de 2009 à 2013, référence constamment mobilisée avec son lot de héros et de martyres, de traîtres, de constats d’échecs mais aussi d’expérimentations et de batailles victorieuses – qui venaient questionner le moment présent et nourrir parfois les projections vers un avenir désiré. Écoles et communautés indiennes ont alors pu apparaître comme des sites privilégiés du renouveau politique.

14h50 – Jonathan Chibois : Administrer l’Assemblée en contexte pandémique : quelle représentation parlementaire en France dans l’après COVID-19 ?

Je propose ici de présenter une réflexion ancrée dans le contexte de la pandémie de COVID-19 du printemps et de l’automne 2020. Mon propos concerne la propension de l’infrastructure de l’Assemblée nationale française à être un vecteur privilégié de la propagation du virus à l’échelle du territoire national. La raison est double : elle tient d’une part à la promiscuité historique qui règne au Palais Bourbon et, d’autre part, à l’intensité de la circulation du personnel politique entre Paris et les circonscriptions métropolitaines ainsi qu’ultra-marines. Ceci fait que le risque est grand en contexte pandémique de voir le Palais Bourbon et les 577 permanences en circonscription constituer des foyers d’épidémie.
Mon argument consiste à dire que la solution à ce problème est moins simple qu’il n’y paraît, mes recherches personnelles montrant en effet qu’il n’est pas possible en France d’imaginer une représentation parlementaire à distance, loin du Palais Bourbon et dénuée de la circulation physique des députés. Si les confinements généralisés de la population en 2020 ont certes neutralisé le risque, ils ne constituent pas des solutions viables du fait du régime réglementaire d’exception à l’Assemblée nationale qu’ils induisent (aucun régime de « procédures hybrides » n’a été mise en place au sein du Parlement français, comme au Royaume-Uni par exemple). L’exigence d’une représentation politique physiquement incarnée trouve ici une limite franche qui nécessitera des prises de positions inévitables de la part des autorités de l’Assemblée nationale à court et à moyen terme.

15h15 - Marc Abélès : Révolution et politique de la survie

Si l’on considère que les attendus de l’action politique se sont radicalement modifiés en faisant de la question de la survie l‘enjeu anthropologique majeur, on ne s’étonnera pas que l’idée de révolution s’en trouve ébranlée du moins dans les formes qu’elle avait connue tout au long du siècle dernier. La référence à la révolution est bien présente aujourd’hui encore quand il s’agit de dessiner un avenir porteur d’alternatives et en rupture avec les pesanteurs et les injustices. Dans les projets politiques, révolution rime le plus souvent avec changement. L’assurance d’une radicalité inentamée qu’emporte cette notion semble à elle seule garantir l’authenticité de ceux qui s’en réclament. Ce n’est pas un hasard si l’actuel président s’est cru autorisé à annexer le mot pour en faire le titre de son ouvrage programmatique dans sa marche vers le pouvoir. On peut cependant se demander dans quelle mesure, alors que la politique de la survie fait prévaloir, au moins tendanciellement, un rapport au futur pensé sous le signe du risque et de la menace planant sur l’anthropos, la radicalité du changement peut-elle être encore une perspective pertinente ? Et si oui, quelles pourraient en être les modalités singulières ?

15h40 Opening comments (Felipe Fernandes, Kedma Louis, Sonia Taleb, Egoitz Urrutikoetxea)

15h55-16h55 discussion générale

16h55 -18h, pot amical confiné ou déconfiné….


Table ronde : Gabriel Rockhill, Giusseppe Coco : Elections Americaines, Situation Brésilienne, regards croisés.