« Performance. Le corps exposé »
Communications , 92, 2013. Numéro dirigé par Christian Biet et Sylvie Roques
Date de publication 24/05/2013 (ISBN : 978.2.02.109831.0)
296 pages - 16.00 € TTC
Pratique de spectacle toujours mieux reconnue, la performance s’est aujourd’hui imposée dans l’univers culturel. Son contenu s’est enrichi, il s’est aussi diversifié. Limité longtemps à une manifestation gestuelle singulière, toute personnelle, non répétable, où dominaient remises en cause et contestations d’un monde, il s’étend aujourd’hui à des manifestations de corps les plus variées où domine le croisement de formes d’expression. C’est cette richesse qu’explore ce numéro, ses enjeux, comme les débats théoriques et pratiques qu’il implique.
La « forme performance », dans sa définition initiale, peut être conçue comme « art action » qui se joue des frontières et des normes. Sa singularité tient tant à sa « non-répétitivité » qu’à la mise en avant du corps comme élément spectaculaire et déterminant. Cette forme artistique dont l’origine est l’objet de discussions contradictoires naît dans un contexte particulier : celui de la contestation globale de la société occidentale dans l’après Seconde Guerre mondiale.
Initialement c’est l’éphémère qui la caractérise au même titre que tous les arts vivants. De nos jours les repères ont bougé. Le contenu d’une telle manifestation s’est diversifié et Il s’impose toujours davantage dans l’univers culturel. Sa pratique est conçue tout spécialement aux États-Unis comme étant en rupture avec la tradition du texte. Elle s’est aussi imposée en art autonome. Elle a permis aux artistes comme aux critiques d’art de considérer le spectacle comme un jeu éphémère des espaces, du temps et des corps dans un lieu partagé avec des spectateurs. Le geste y prime sur le mot, l’acte sur le commentaire. Cette manifestation artistique déborde alors son acception d’origine pour exprimer un acte réalisé dans toute son acception physique, effectué dans le cadre d’un lieu spécifiquement conçu pour être observé. C’est une acception large du phénomène qui est prise en considération dans ce numéro. Il y est « montré » dans ses manifestations les plus concrètes. Il y est aussi analysé selon les ressources des sciences humaines. À l’instar de Richard Schechner, qui distingue being (l’existence d’un corps et d’une chose en elle-même) et doing (l’activité de cette chose et de ce corps qui existent), la performance est conçue alors comme « showing doing » révélant son processus interne se déroulant sous nos yeux. Sont prises en compte non seulement les œuvres artistiques ou les rituels mais aussi toutes les actions quotidiennes comme les actions sportives ou religieuses ainsi que des contextes ou situations particulières. Cet élargissement extrême et actuel du phénomène « performance » ou du performatif est largement décrit dans ces textes, autant qu’il est soumis à échanges et débats. La parole des performers, dont les plus reconnus, vient par ailleurs ajouter les éclairages complémentaires et concrets, indispensables à la compréhension du phénomène.
L’ensemble comporte ainsi nombre de réflexions permettant de comprendre l’évolution de ces pratiques, leurs enjeux, leur situation actuelle. Les exemples s’y multiplient autant que les critiques, les évaluations, les débats. Ce qui fait de ce numéro un bilan sur la performance dans notre culture, dont n’existe pas d’équivalent.
Sommaire
Présentation
Bruno Péquignot
De la performance dans les arts
Christian Biet
Pour une extension du domaine de la performance (XVIIe-XXIe siècle)
Sophie Houdard
La possession de Loudun (1632-1637)
Rafael Mandressi
Le corps des savants
Itzhak Goldberg
Installations-Happenings, liaisons dangereuses ?
Bernard Müller
Le terrain : un théâtre anthropologique
Sylvie Roques, Georges Vigarello
La fascination de la peau
David Le Breton
Body Art : la blessure comme oeuvre chez Gina Pane
Antonio A. Casilli
Le Web des troubles alimentaires. Un nouvel art de jeûner ?
Richard Schechner
Les « points de contact » entre anthropologie et performance
Richard Sherwin
Présences et simulacres sur scène et au tribunal
Isabelle Barbéris
Jerk, de Gisèle Vienne et Jonathan Capdevielle
Julie Perrin
Le nu féminin en mouvement
Joseph Danan
Écriture dramatique et performance
Guy Spielmann
L’« événement-spectacle »
Josette Féral
De la performance à la performativité
ORLAN
Les préjugés ébranlés par l’Art-Action
Éric Duyckaerts
Les « conférences-performances »
Yann Marussich
Voyage(s) dans l’immobilité
Vincent Barras
Parole performée
Jan Fabre
S’entraîner à disparaître
Jean-Marie Pradier
La performance ou la renaissance de l’action